L'autobiographie d'une esclave
L’autobiographie d’une esclave
(Roman)
L’introduction de ce livre répond à une interrogation incontournable pour quiconque entreprend de se plonger dans la littérature noire américaine. Quel est le premier roman noir et qui en est l’auteur ?
L’on y découvre qu’aux Etats-Unis, au mois de février, le peuple noir de ce pays célèbre l’héritage afro-américain et encourage sa sauvegarde par des séminaires et commémorations diverses, des conférences et des cérémonies solennelles en hommage à leurs ancêtres dont les sacrifices ont permis d’obtenir la liberté dont ils jouissent aujourd’hui. Et durant ce mois est organisée une vente aux enchères de « documents imprimés, manuscrits et témoignages divers de l’héritage culturel afro-américain ». C’est au cours de la manifestation de 2001 qu’un professeur d’Harvard fait l’acquisition d’un manuscrit original présenté comme « une biographie romancée, rédigée dans un style fleuri, censée raconter l’histoire de la vie et de la fuite d’Hannah Crafts, mulâtresse née en Virginie ».
L’acquéreur de ce manuscrit voit tout de suite l’intérêt que l’on peut tirer de ce manuscrit s’il s‘avérait qu’il n’a jamais été publié et si sa narratrice était noire. Car ce qui est vrai aux Etats-Unis, c’est que « la littérature noire » des récits d’esclavage comme la Case de l’oncle tom (Beecher Stowe) était le fruit du travail des blancs. Il savait que les textes rédigés à la main par les Noirs aux XIXè siècle sont excessivement rares. Les nombreux récits d’esclavage, les autobiographies et les pamphlets de cette époque étaient écrits grâce à l’intervention de rédacteurs ou d’éditeurs abolitionnistes. Surtout les œuvres de fiction éditées et diffusées avant la fin de la guerre de Sécession l’ont été par les membres du mouvement abolitionniste blanc.
L’Intérêt du Livre
L’intérêt de ce livre réside donc dans le fait qu’il est de manière incontestable l’œuvre romanesque d’une esclave mulâtre rédigée de sa propre main dans les années 1850. C’est l’authentique production d’une esclave nourrie de la littérature romanesque du XIXè siècle. La narratrice emprunte les descriptions particulièrement frappantes de la pauvreté et du dénuement à ses lectures livresques. Ses nombreuses références aux textes bibliques témoignent par ailleurs de l’esprit anglican qui dominait la littérature américaine.
Ce livre est donc l’occasion de pénétrer directement dans l’esprit d’une esclave en fuite et lire sa vision de la société. La manière de caractériser l’intimité entre les blanches et les noires laisse croire que seule une noire ayant connu la servitude est capable de tant de justesse. Elle est également très franche au sujet des sentiments que lui inspirent les autres esclaves. Elle est fidèle quant à la manière des Afro-américains de se parler entre quand les blancs ne les entendent pas. Enfin, ses propos sur l’esclavage sont d’une franche simplicité. Ainsi, elle estime que « le plus grand fléau de l’esclavage c’est son caractère héréditaire ». Ce qui l’emmène à juger scandaleux le mariage entre les esclaves. D’autre part, il faut connaître la servitude pour écrire « ceux qui s’imaginent que les plus grands maux de l’esclavage résident dans la souffrance physique n’ont pas une idée juste et rationnelle de la nature humaine. » Les péripéties de sa fuite nous éclairent sur la manière dont les noirs vivent leur condition d’esclave.
Raphaël ADJOBI
Auteur : Annah Crafts
Titre : Autobiographie d'une esclave
Edition : Petite Bibliothèque Payot
(traduit de l'anglais)