Les Noirs dans la publicité française
Les Noirs dans la publicité française
Depuis 2008, on constate une très légère diversité ethnique dans l‘espace publicitaire français. Diversité très légère mais qui se remarque du simple fait que l’image du consommateur noir n’a jamais été considérée comme valorisante pour les enseignes commerciales. Il fut même un temps où les Asiatiques étaient plus nombreux dans les publicités télévisées, comme s’ils étaient plus représentatifs de la diversité française que les Noirs.
Aujourd’hui, à la télévision française, même les publicités vantant les jeux présentent des Noirs qui ne sont pas des figurants mais des membres de famille. Nintendo montrent un couple mixte – femme blanche, homme noir - qui joue. Un organisme d’apprentissage de l’anglais montre un Noir avec sa femme blanche et leur enfant métis. Depuis Mai 2008, l’athlète noir Ladji Doucouré incarne à l’écran l’image de l’anti-transpirant de Menen. Malgré tout, trouver l’image de Noirs sur les emballages des produits de grande consommation est chose encore exceptionnelle au point de susciter la curiosité quand on en voit une.
Il est très loin l’époque de la victoire de la France à la coupe du monde 1998 ; époque où de nombreux footballeurs noirs trônaient sur les grands panneaux publicitaires et crevaient les écrans des télévisions françaises. L’espoir a été de courte durée.
Devant cette frilosité à utiliser l’image du Noir, il n’est donc pas étonnant qu’en 2008 il n’y ait encore aucun film français ou européen – produit par des blancs – ayant une tête d’affiche issue des milieux noirs. Dans un petit billet publié dans le Nouvel observateur du 19 juin 2008 (p.38), la réalisatrice blanche Eliane de Latour, pénalisée de choisir des Noirs pour des premiers rôles, interroge ceux qui dirigent les industries du cinéma européen sur le bien fondé de leur comportement. Elle ne se satisfait pas de l’argument selon lequel un film avec un acteur principal noir ne marchera pas parce que « le public ne s’identifie pas aux Noirs. » Ainsi donc « le public s’identifie à E.T, à un ours, mais pas à un acteur noir ? » interroge-t-elle. Mais alors, pourquoi Denzel Washington et bien d’autres attirent des foules en France ?
Il faut croire que, comme autrefois on tenait les indigènes éloignés, l’on veut tout simplement tenir les Noirs loin de cette industrie afin qu’ils ne fassent pas concurrence aux acteurs blancs.
Je termine mon article par une interrogation. Je vous présente ici une publicité du 19è siècle vantant les mérites d’un savon qui « lave plus blanc que blanc » - puisqu’il est capable de blanchir un Nègre. Regardez-là bien avant de lire la suite de mon message. Prêtez attention à la femme à gauche, l’enfant prenant son bain, l’homme au premier plan dont la main sort de l’eau de la bassine, enfin l’expression de l’homme à l’arrière plan levant les bras au ciel.
La découverte de cette publicité m’emmène à me demander si la décoloration de la peau chez les Noirs est une pratique plus ancienne que la rencontre avec les Européens aux siècles de l’esclavage et l’élaboration des théories racistes à leur égard. Avec les théories du XIX è siècle selon lesquelles le Noir serait une dégénérescence du blanc (1), n’aurait-on pas fait croire aux Noirs qu’il leur était possible de quitter leur enveloppe noire pour se rapprocher de la race blanche dite pure ? On peut aisément croire que des populations africaines entières ont dû être très sensibles à cette publicité dont l’impact perdure encore aujourd’hui.
Raphaël ADJOBI
(1) La couleur noire est due à un pigment brun, appelé la mélanine, qui colore la peau.