Tombeau d'Olivier (Alain Badiou)
Tombeau d'Olivier
(Alain Badiou)
Ce livre nous dit le grand intérêt d’écrire, de laisser une trace de ce que l’on pense ; car l’écriture est assurément la meilleure façon de se faire comprendre et connaître, quand on sait que les autres ne prennent jamais le temps de nous regarder et de nous écouter.
Pourtant, je n’aurais jamais lu ce livre si on ne me l’avait pas offert. Ayant appris sur les ondes qu’Alain Badiou y parle de son fils – un jeune noir mort de façon étrange – j’avais immédiatement pensé qu’il profitait de sa notoriété pour l’encenser. Les premières pages du livre m’ont vite fait comprendre qu’il veut que chaque lecteur sache ceci : derrière la banalité de tous ces êtres que nous qualifions de « jeunes des banlieues » ou de « racailles », il y a « un roseau pensant ».
Certes, nous ne pouvons pas tenir nos enfants en laisse et en faire ce que nous voulons. Mais, l’auteur nous montre que toute mère, tout père doit avoir l’intelligence de s’occuper de l’esprit de sa progéniture, c’est-à-dire lui offrir l’arme nécessaire à l’expression de son être. C’est ainsi que, comme lui, l’on peut découvrir que les jeunes qui sont terrorisés et traqués à longueur de journée savent mieux que quiconque comment la société s’y prend pour avoir le droit de les abattre sans jugement. Oui, ces jeunes savent que leurs corrupteurs viennent des milieux de l’argent. Ils savent que ceux-ci choisissent leurs victimes dans les banlieues pauvres. Ils savent très bien qu’une fois qu’ils auront des corrompus, la matraque et la loi du juge seront commandées par les politiciens en accord avec les milieux de l’argent. C’est ainsi qu’on les traque, on les traque… et à force d’être traqués, ils ont le sentiment d’être des rats. Alors ils se font rats et vivent comme des rats avec la certitude de finir comme des rats.
Tombeau d’Olivier est l’expression des limites de l’amour des parents devant l’affrontement entre la couleur de la peau noire et « les maximes disparates de la doctrine dominante » qui font que toute exception à la règle apparaît comme pathologique, donc à éliminer. En d’autres termes, Tombeau d’Olivier est l’affirmation d’un père blanc de la difficulté d’être un Français noir. Le livre fait apparaître l’écriture comme la signature de chacun d’exister ou d’avoir existé. En effet, Tombeau d’Olivier est l’analyse que fait Alain Badiou des textes laissés par son fils.
Raphaël ADJOBI
Titre : Tombeau d’Olivier, 118 pages.
Auteur : Alain Badiou
Editeur : Fayard, 2020.