La ronde des ombres (Philippe N. Ngalla)
La ronde des ombres
(Philippe N. Ngalla)
Ce premier roman de Philippe Ngalla nous dévoile une société congolaise où les pratiques fétichistes sont intimement liées à celles de la politique. On écarquille les yeux en découvrant de hauts dignitaires plus rompus aux incantations apprises auprès des féticheurs qu’à discourir sur le bien-fondé de la mise en oeuvre d’un projet social galvanisant.
Dans ce livre, tous les bureaucrates qui veulent faire carrière dans la politique ont la même qualité : doués du talent d’un épicier, ils sont calculateurs. Leur grand plaisir : faire tomber les adversaires, corrompre pour traîner derrière eux des suiveurs. Ce qu’ils devront faire une fois parvenus au pouvoir n’a aucune importance. Tout le plaisir est le fait de se sentir victorieux. On comprend donc que les fétiches prennent plus de place dans leur vie que les outils économiques, sociaux et culturels à faire valoir. C’est vrai que dans le premier cas, on n’a pas besoin de l’adhésion des populations ; alors que dans le second cas, on est obligé de composer avec elles. Malheureusement pour le président Sylvestre, cette confiance aveugle placée dans les fétiches aboutit à un cauchemar qu’il tentera vainement de comprendre.
Le fait qu’un individu en proie aux effets négatifs du fétichisme soit l’unique sujet du livre le rend à la fois déroutant et quelque peu monotone, malgré quelques analyses lumineuses. Mais ce qui rend un peu difficile la progression dans la lecture de ce roman, c’est le niveau de langue de l’auteur. En effet, le style trop recherché vous oblige souvent à vous demander ce qui est important à ses yeux : le style – aux nuances multiples et au subjonctif imparfait toujours présent - ou le récit que l’attention finit par perdre régulièrement de vue ? Ce premier roman montre tout de même que Philippe Ngalla est un bon conteur parce qu’il maîtrise l’art de vous tenir en haleine.
Raphaël ADJOBI