La désinstruction nationale (René Chiche)
La désinstruction nationale
(René Chiche)
« Il est dramatique que tant de jeunes gens soient munis d’une carte d’étudiant alors qu’ils ne sont pas capables d’écrire correctement trois lignes en français ni de déchiffrer autre chose que des tweets ou des hiéroglyphes que les concepteurs d’application leur fournissent à profusion afin de remplacer les mots ». Vous avez compris : l’auteur s’indigne du niveau de langue des jeunes Français qui frappent aux portes des universités. Comment des élèves presqu’illettrés ont-ils réussi à parvenir à ce stade des études pour prétendre entrer à l’université ? Comment peuvent-ils comprendre quelque chose des textes complexes si la langue dans laquelle ils sont écrits n’est pas suffisamment maîtrisée ? Il faut que les adultes qui organisent une telle catastrophe soient absolument inconscients pour ne retenir de la langue que sa fonction de communication et laisser de côté sa qualité d’instrument à penser. C’est aussi le constat que je fais et qui motive mes analyses et propositions dans Il faut remettre le français au centre de l’enseignement (éd. Les Impliqués, 2021).
Pour remonter aux causes de cette catastrophe, René Chiche s’appuie sur son expérience personnelle de professeur en lycée et nous montre l’esprit animant les proviseurs qui ne sont plus issus du monde enseignant mais de celui de la grande administration où le souci de la carrière est la chose la plus importante, la flèche bleue de la boussole qui leur indique qu’ils ne doivent pas perdre le Nord en veillant à la qualité de l’instruction des jeunes gens qui sont à leurs pieds. De la direction des lycées au Ministère de l’Education nationale, en passant par les rectorats, le résultat catastrophique de leurs réformes et de leurs injonctions aux enseignants a peu d’importance ; le bon fonctionnement des rouages du système semble suffire. D’où, chez eux, ce leitmotiv : pas de vague ! Par ailleurs, avec la complicité des « nouveaux pédagogues » ainsi que de nombreux « experts » - avec leurs « nouveaux programmes » - les « nouveaux manuels » scolaires et « parascolaires » se sont multipliés et ont fini par faire des éditeurs les conseillers et les confidents de chaque ministre de l’Education nationale ; une insidieuse dépossession des professeurs de leur autorité intellectuelle. Après cela, chefs d’établissement, inspecteurs et recteurs peuvent les infantiliser par une relation administrative malsaine faite de notations, menaces, sanctions pour « détruire le coeur de leur identité professionnelle ». Il ne reste plus qu’à l’élève de tenter de leur marcher sur le corps.
Selon l’auteur, les enseignants ont aussi leur part de responsabilité dans ce qu’ils déplorent et subissent : nombreux parmi eux distribuent des notes pour qu’on leur « fiche la paix », serrent les dents et les fesses, en attendant de quitter le navire avec grand soulagement. Pour reprendre leur place et leur rôle, il faut que les professeurs fassent savoir aux administratifs de l’Education nationale et aux parents que les seules connaissances qu’on doit exiger d’eux sont « les connaissances disciplinaires parfaitement maîtrisées » mais aussi le respect qu’elles méritent. Alors l’école pourra être sauvée parce que la pédagogie du professeur ne visera plus à s’adapter à l’enfant mais à l’élever. En effet, la pédagogie croit en l’intelligence de l’enfant et s’adresse à elle en toute circonstance pour l’aider à grandir.
Raphaël ADJOBI
Titre : La désinstruction nationale, 247 pages
Auteur : René Chiche
Editeur : leseditionsovadia, 2019