"Au royaume des pharaons noirs" (un documentaire de Sam Mortimore)
« Au royaume des pharaons noirs »
(Un documentaire de Sam Mortimore)
« Contrairement aux idées reçues, les pyramides ne sont pas l’apanage de l’Égypte. C’est le Soudan, et précisément la cité antique de Méroé, au bord du Nil, qui abrite le plus grand nombre de pyramides au monde. Il s’agit des vestiges d’une civilisation africaine longtemps occultée par l’Histoire, le royaume de Koush (ou Nubie). En effet, il semblait impossible à la pensée de certains archéologues occidentaux que des Noirs africains aient pu bâtir une civilisation aussi riche : temples, tombeaux, fresques… Cette culture a longtemps été perçue dans son rapport avec la civilisation égyptienne, sans son identité propre. Il faut dire que les relations entre les deux royaumes étaient complexes : Koush a souvent été considéré comme une simple colonie sous la domination de la puissante et orgueilleuse Égypte. Ainsi les fresque du temple égyptien d’Abou Simbel représentent les Koushites comme des prisonniers se prosternant devant le pharaon Ramsès II. Or, ils ont été d’important partenaires commerciaux – le pays a bâti sa fortune sur le commerce de l’or avec l’Égypte – et les rois koushites, les pharaons noirs*, ont régné en Égypte entre le VIIIe et le VIIe siècle av. J.C.
Depuis quelques décennies, on note un regain d’intérêt des égyptologues et des archéologues pour l’importance de cette société ; Ce documentaire en est le reflet. Didactique et ambitieux dans sa volonté de précision, il parvient à réhabiliter la civilisation koushite injustement méconnue dans la mémoire collective ».
Alexandra Klinnik (Télérama du 24 au 30 avril 2021)
* Remarque sur l’article : A aucun moment de son bref article, Alexandra Klinnik ne parle de pharaons blancs ; mais en qualifiant les rois koushites de pharaons noirs, elle laisse insidieusement entendre que les rois égyptiens sont des pharaons blancs. Il en est toujours ainsi : personne ne dit ni n’écrit « pharaons blancs » mais on laisse supposer que c’est de cela qu’il s’agit. Ainsi, les artistes et les cinéastes peuvent se permettre toutes les interprétations n’ayant surtout aucun lien avec les cultures africaines. De même, dans le documentaire, alors que les archéologues parlent de pharaons koushites, le commentateur ne cesse de répéter « pharaons noirs » pour bien laisser entendre que les pharaons égyptiens battus par leurs voisins du sud étaient blancs. Dans les deux cas, ce n’est pas du tout honnête de procéder de la sorte. Retenons que le chimiste et anthropologue Cheikh Anta Diop (1923 - 1986) avait en son temps demandé une analyse scientifique sur une momie pour lever le doute. Sa demande est restée vaine. Pourtant, en 2018, le Natural History Museum de Londres a analysé les ossements de Cheddar Man – l’ancêtre des anglais – et a révélé que celui-ci avait la peau noire. Pourquoi ne pas passer les momies par la même preuve scientifique ? De quoi a-t-on peur ?
Soyons clairs : pour ce qui est de tous les Africains d’hier et d’aujourd’hui – avant l’occupation permanente de la partie nord du continent par des peuples à la peau blanche avec le mélange que l’on remarque dans certaines régions – voici ce que l’on constate dans cette partie de l’Afrique en partant du nord vers le sud : 1) Les populations du désert étaient et sont tous des Noirs aux traits fins et aux cheveux parfois raides comme chez les Touaregs et les Peuls. 2) En descendant vers le sud, à partir du Sahel (zone entre le désert et la forêt), les traits des populations changent : on rencontre plus de Noirs au nez épaté. 3) Et quand on atteint la zone de forêt, les nez très fins deviennent rares (sauf au Rwanda et dans certains pays de l’Est). Cette variété de traits morphologiques est une réalité africaine indiscutable parce qu’observable. Les Égyptiens aux très fins (comme la majorité des Ethiopiens) et leurs pharaons étaient des Noirs ; les pharaons au nez épaté étaient souvent originaires du sud, c’est-à-dire de Koush qui était en contact avec les populations des forêts.
Remarques sur le documentaire :
1) On apprend qu’après avoir triomphé des Égyptiens, leurs voisins du Nord, les Koushites ont souvent adopté le même attribut de pharaon mais avec deux cobras sur la coiffe royale au lieu d’un seul chez les Égyptiens ; le double cobra signifiant la réunion de l’Égypte et de Koush. Imaginez-vous dans ce coin du monde sans barrière naturelle notable un peuple blanc égyptien et un peuple noir koushite formant un seul royaume sous des rois noirs pendant plus d’un siècle ? Il est temps de cesser de fantasmer !
2) Quand les Koushites, régnant sur l’Égypte, ont été vaincus par les Assyriens, que font les populations égyptiennes ? L’égyptologue nous dit qu’ils se contentent de supprimer de la coiffe des pharaons koushites l’un des cobras afin que l’on croie qu’il s’agit d’un pharaon égyptien ! N’est-ce pas là la preuve que du point de vue de leur physique, il n’y a pas de différence entre un pharaon koushite et un pharaon égyptien ? N’est-ce pas là la preuve que les uns et les autres sont noirs et que tout ce qui différencie un pharaon égyptien et un pharaon koushite se résume au nombre de cobras sur la coiffe ?
3) Lorsqu’ils occuperont successivement l’Égypte, ni les Assyriens, ni les Grecs, ni les Romains ne se feront pharaons pour gouverner le pays ! Ils laisseront plutôt les traces de leur culture. Ce sont des peuples qui n’ont rien à voir avec la culture africaine. Ce qui les intéressaient, ce sont les riches du pays et non pas régner sur les Noirs qui se sont d’ailleurs retirés en grand nombre plus loin vers le sud devant ces invasions. On n’a jamais vu un vainqueur adopter la culture du vaincu. Ce qui explique pourquoi dans le documentaire certaines techniques égyptiennes adoptées par les koushites ont beaucoup intrigué les archéologues, même si les deux peuples leur semble avoir des cultures voisines.