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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
29 août 2021

Le meilleur des mondes (Aldous Huxley)

                   Le meilleur des mondes

                               (Aldous Huxley)

Le meilleur des mondes

          Voici un livre qui, dans les années 1970 et 1980, a bercé le parcours scolaire et universitaire de bon nombre d’étudiants. Publié au début du XXe siècle (1932) et aussitôt traduit en français, Le meilleur des mondes, alors classé parmi les utopies comme pour servir de canal d’évasion aux lecteurs, a peu à peu fini par se révéler un projet familier que les gouvernants de ce début du XXIe siècle tentent de concrétiser. Un projet de société dans laquelle le bonheur est loi ; un bonheur facile pour celui qui est conditionné pour l’accepter sans poser de question, mais trop exigeant pour celui qui veut comprendre avant de l’accepter. Un projet de construction de castes grâce à des pédagogies différenciées permettant l’établissement d’un Etat mondial parfaitement hiérarchisé depuis les premiers de cordée jusqu’aux derniers de corvée « sur le modèle de l’iceberg ; huit neuvièmes au-dessous de la ligne de flottaison, un neuvième au-dessus ». Indubitablement, près d’un siècle plus tard, la fiction d’hier a le visage du "Nouvel ordre mondial" que les puissants de ce monde tentent d’imposer grâce à des rouages contestables et contestés. Et le lecteur comprend, comme Alphonse de Lamartine, que « les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées ».

          Sans doute, de nombreux lecteurs d’aujourd’hui rapprocheront le conditionnement scientifique des populations du livre d’Aldous Huxley de la situation sanitaire mondiale actuelle avec la politique vaccinale préconisée par les gouvernants. En effet, dans le roman, « la civilisation, c’est la stérilisation » (p.158), et en 2021 la civilisation, c’est la vaccination ! Quant à nous, nous disons qu’avant même ce que beaucoup voient comme un projet de conditionnement par la science – semblable à celui du livre – les gouvernements sont parvenus au même résultat par la propagande répétée grâce au monopole des moyens d’information qu’ils détiennent. Et justement, la modernité du livre réside essentiellement dans la subsistance dans une société mondialisée d’éléments pas assez ou mal conditionnés qui font l’objet de préoccupations considérables de la part des gouvernants et des bien conditionnés. Par exemple, dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley comme dans la société française de ce XXIe siècle, pour les gouvernants et les bien conditionnés, « dès que l’individu ressent autrement, la communauté est sur un sol glissant », menacée. Si vous refusez de « n’être pas simplement une cellule du corps social [...], si vous n’êtes pas asservi par le conditionnement (national), […] si vous éprouvez le désir d’être libre de quelque manière », alors vous êtes bizarre, ou mieux, un complotiste. Dans Le meilleur des mondes comme dans

Didier Raoult 3

la France de ce XXIe siècle, « pas d’effort excessif de l’esprit » : toutes les recherches scientifiques en marge de la science approuvée par les politiques sont suspectes de détruire la stabilité du système social. Oui, dans le livre comme dans la vie, « ce n’est pas seulement l’art qui est incompatible avec le bonheur ; il y a aussi la science. […] Toute découverte de la science pure est subversive en puissance ; toute science doit parfois être traitée comme un ennemi possible. Oui, même la science (doit être) soigneusement enchaînée et muselée » (p.278). Ainsi, dans le roman, « on envoie dans une île […] tous les gens qui, pour une raison ou une autre, ont trop individuellement pris conscience de leur moi pour pouvoir s’adapter à la vie en commun, […] tous ceux, en un mot, qui sont quelqu’un ». 

          Pour le lecteur d’aujourd’hui, Le meilleur des mondes présente le triomphe ou le règne du monde globalement civilisé parce que parfaitement conditionné et hiérarchisé, avec à sa marge une petite parcelle d’un monde sauvage servant de lieu de villégiature à ceux qui ont besoin d’une leçon ; c’est-à-dire qui ont besoin de savoir ce qu’ils seraient « s’ils n’étaient pas asservis par leur conditionnement ». Le séjour chez les sauvages n’a donc pour seul but que de permettre aux mal conditionnés d’apprécier la civilisation conditionnée.

Raphaël ADJOBI           * Merci à Jacques VALLOTTON pour la caricature.

Titre : Le meilleur des mondes, 319 pages.

Auteur : Aldous Huxley

Éditeur : Plon (traduction en 1932 par Jules Castier), collection Pocket 1977.

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Commentaires
S
Comme je le dis au début de l'article, ma première impression du livre - quand j'étais jeune - c'est de me trouver devant un projet utopique ! Un projet hors du temps des hommes. Or, aujourd'hui, même si nous ne sommes pas venus au monde dans des éprouvettes, notre condition est la même que (ou très proche de) celle décrite dans le livre : le conditionnement, la politique d'inquisition et de délation au nom de notre sécurité.<br /> <br /> Vous avez tout à fait raison de souligner le fait qu'il est important de se méfier de tout ce que l'on tente de nous faire avaler.
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S
Bonjour. Souvenir d'avoir lu ce livre il y a longtemps ainsi que des extraits dans les exercices au lycée et plus tard, un film basé sur ce livre.<br /> <br /> <br /> <br /> A l'époque,il m'était apparu comme une mise en garde extrêmement lucide,avant-gardiste et avec le temps,quasiment augurale d'un futur aux prises des excès de la Science "politisée.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais plus tard (ce n'est que mon avis) ce livre m'est davantage paru comme une sorte de préparation du peuple a un changement d'éthique, une adaptation a un futur conditionné. (tempérée par l'image des résistants) et donc une technologie a l'époque bien plus avancée qu'on pouvait l'imaginer. De plus,la famille Huxley était scientifique et liée au gouvernement pour certains de ses membres.<br /> <br /> <br /> <br /> Vous lire a propos de Huxley m'a rappelé un autre livre de Barjavel "Ravage" lu au certif. Il y était question d'un monde dérangé, artificiel, perdu.. Un livre assez marquant. Cependant, il convient de souligner que l'auteur aurait eu des propos racistes. (ce que je n'ai pas vérifié) Cette lecture étant lointaine.<br /> <br /> <br /> <br /> Il existe une sorte de censure qui dicte au peuple une ligne de conduite unique, décrite comme la seule : censée,vraie,bonne,juste.. <br /> <br /> Et si on doute ou qu'on émet une opinion différente,on risque d'être étiqueté irrationnel,idiot et même dangereux voir extrême.<br /> <br /> Ce alors que bien des gens adhérent a la pensée dominante par confiance, sans avoir épluché le sujet.<br /> <br /> <br /> <br /> Ça rappelle une phrase que Krishnamurti disant "Ce n'est pas un signe de bonne santé d'être adapté a une société malade"<br /> <br /> <br /> <br /> Cela peut inspirer a la méfiance,a ne pas accepter tout présent bras ouvert, a se demander le "pourquoi" au delà des apparences.<br /> <br /> <br /> <br /> Chaque époque lieu et société a ses maux mais nous vivons une ère particulièrement marchande.
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S
J'ai étudié cette oeuvre en deuxièmes année de lettres modernes à Dijon. Le sujet de fin d'année de l'U.V (unité de valeur) de littérature comparée était la phrase de Lamartine que je cite dans l'article. En relisant le livre, j'ai été très troublé par son caractère actuel ; alors que jeune, je le voyais comme une utopie, c'est-à-dire comme une construction imaginaire irréalisable. Même si mon travail de fin d'année a été très apprécié, je ne croyais absolument pas - à l'époque - que le projet du livre d'Aldous Huxley était en cours et réalisable.
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L
Je suis toujours agréablement surprise par ta capacité à dénicher des oeuvres anciennes qui pourtant nous parlent du présent avec une acuité qu'on ne soupçonnerait pas. Les parallèles sont vraiment troublants. Un livre à découvrir !
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