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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

19 juillet 2021

L'obéissance (Analyse et réflexion)

                                              L'obéissance

                                           (Analyse et réflexion) 

Le chat et son maître

         L’écrivain et journaliste Christophe Henning rappelle dans un article, publié dans le journal Lacroix le 9 juillet 2021, l’origine latine du mot « obéissance », afin de mieux nous permettre de cerner son vrai sens qui est loin de l’idée de l’exécution aveugle d’un ordre que nous lui donnons aujourd’hui. Le mot vient du latin ob audire, signifiant « se mettre à l’écoute ». Il ne veut donc nullement dire « obtempérer, exécuter, se soumettre […] à un pouvoir qui est extérieur » tel l’ordre d’un commandant de bord d’un navire ou d’un avion quand il nous dit de mettre notre ceinture ou notre gilet de sauvetage. L’obéissance est avant tout une réponse à un appel intérieur, une réponse à une parole qui résonne en chaque être. L’obligation ne doit par conséquent peser que sur celui qui a adhéré à un appel, celui qui s’est engagé. Voilà pourquoi les religieux conçoivent leur vocation comme un choix libre.

          Même si nous savons qu’il y a des choix de vie qui « obligent », l’obéissance à une autorité supérieure est intimement liée à notre liberté, parce que « le supérieur n’a d’autorité que celle que l’on veut bien lui conférer […] C’est parce que je suis libre que je peux obéir », dit l’un des interlocuteurs du journaliste et écrivain. En d’autres termes, selon Christophe Henning, « l’obéissance n’est pas – ne doit pas être – au gré des caprices d’un supérieur, ce qui est constitutif de l’abus d’autorité et peut malheureusement se produire […] L’obéissance est un acte de libre adhésion. [...] Il ne devrait donc pas y avoir d’obéissance, sans d’abord, de dialogue ». 

          Dans l’acte d’obéissance, précise Christophe Henning, le piège à éviter c’est le désir de faire plaisir à son interlocuteur – encore s’il est le supérieur. Car « en fait, l’obéissance nécessite véritablement une parole libre, qui n’a pas pour but de plaire », comme le dit si bien le jésuite Thierry Lamboley. Et Daniel Marcelli de conclure : « Ainsi devient-on capable d’obéir pleinement quand nous avons la possibilité de dire non ».

          Nous sommes donc tout à fait d’accord pour dire avec le frère Jean Alexandre que l’obéissance est un chemin de croissance humaine et spirituelle qui demande du temps ; du temps qui passe par les contraintes des événements et les demandes ou exigences des autorités supérieures. Cela veut dire aussi que toute obéissance à une autorité supérieure sans la possibilité de dire non est une contrainte dictatoriale qui brise la liberté de l’individu. 

Un compte rendu de Raphaël ADJOBI

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10 juillet 2021

Un livre pour cet été (Raphaël ADJOBI)

Mon livre 5

Prix du livre : 10 euros

 

15 juin 2021

Origine et évolution de la fête des mères (Raphaël ADJOBI)

         Origine et évolution de la fête des mères

La fête des mères

          Dans son magnifique ouvrage L’homme préhistorique est aussi une femme (Allary Éditions, 2020), Marylène Patou-Mathis montre comment à partir du XVIe siècle l’Europe a puisé dans les textes de l’Antiquité puis dans la Bible les éléments pour construire de manière solide et populaire l’image de la femme inférieure à l’homme ; construction ayant permis par la même occasion d’établir que depuis la préhistoire l’homme avait pour lui la force, le courage et l’intelligence à l’origine de toutes les inventions et la femme la faiblesse physique et intellectuelle, la maternité et les tâches domestiques. Puis, au-delà de ces stéréotypes défavorables à la femme, le XIXe siècle européen va s’appuyer sur la science pour proclamer de manière officielle que la procréation est son destin et sa finalité. « En elle-même, la femme n’a pas de raison d’être ; c’est un instrument de reproduction qu’il a plu à la nature de choisir de préférence à tout autre moyen », assure Pierre Joseph Proudhon en 1858 (De la justice dans la Révolution et dans l’Église, t.1). De ce fait, ce n’est que justice d’honorer les mères, de les célébrer.

          Selon Marylène Patou-Mathis, « déjà dans la Grèce et la Rome antique, les mères des dieux et les matrones étaient célébrées au printemps, saison de la fertilité ». Si, dans l’Occident médiéval chrétien les fonctions de procréation et de gestion de la maison étaient aussi dévolues aux femmes, celles-ci pouvaient néanmoins exercer la médecine populaire ou être artisanes, ajoute-t-elle. « C’est à partir du XVe siècle que ces métiers vont leur être confisqués ». Et c’est à cette époque, en Angleterre, qu’apparaissent les premières célébrations de celles qui ont la charge quasi exclusive du travail domestique et de l’éducation des enfants qu’elles ont en grand nombre. Un dimanche par an leur était en effet consacré. Sur ce modèle, à partir du début du XXe siècle, plusieurs pays européens vont décréter « la journée des mères ». En France, contrairement à une idée commune qui fait du maréchal Pétain l’initiateur de cette journée de célébration, Marylène Patou-Mathis fait cette précision : « Les premières initiatives sont locales, elles reviennent à l’instituteur Prosper Roche, qui organisa, le 10 juin 1906, une cérémonie en l’honneur des mères de familles nombreuses à Artas, dans l’Isère, et à Lyon, ville qui, deux ans plus tard, consacra une journée aux mères ayant perdu un fils ou un mari à la guerre. » Il faudra attendre 1920 pour voir l’instauration, sur le plan national, de la fête des mères de familles nombreuses qui « sera élargie à toutes les mères en 1926 par le gouvernement républicain qui prônait une politique nataliste. »

          Si l’image du maréchal Pétain émerge dès que l’on se plonge dans l’histoire de cette célébration, c’est parce que sous son impulsion cette fête a pris « une dimension politique affirmée ». En effet, « face à la peur de l’étranger, la natalité est au centre des préoccupations des hiérarques du régime de Vichy. Les mères, inspiratrices de la civilisation chrétienne (Pétain, 1942), sont mises sur un piédestal (Pascal Riché, L’Obs, 31 mai 2015) ». Marylène Patou-Mathis ne manque pas de préciser que « cette thématique sera maintes fois reprise par les mouvements d’extrême droite et par les nationalistes, pour qui, faute d’une démographie satisfaisante, la civilisation occidentale est vouée à disparaître ». C’est le 24 mai 1950 que la fête des mères sera inscrite dans la loi. Il appartient à chacun, selon nous, de réfléchir au sens de cette loi : celui qui éprouve une obligation morale à célébrer sa mère a-t-il besoin d’une loi pour le faire ? Est-ce un délit de ne pas fêter sa mère ? Quel bénéfice les mères tirent-elles de cette reconnaissance officielle ? Peut-être pourrions-nous suggérer, en signe de reconnaissance, une journée de congé payé à toutes les mères ?

                      Regard sur une tradition de l’Afrique de l’Ouest

          Cette célébration de la mère est l’une des rares fêtes non religieuses que les Noirs de France semblent partager avec une certaine application. Et cela se comprend aisément : en Afrique noire, sauf peut-être chez quelques rares populations, la mère revêt une image presque sacrée. Là-bas, offenser une mère de famille peut entraîner un lynchage. Bref ! Ce qui nous importe ici est de nous appuyer sur une tradition africaine assez largement partagée pour éclairer cette inclination des Français noirs à célébrer la mère comme leurs compatriotes blancs. L’exemple vient du pays Akan constitué de différentes populations ayant un fond culturel commun et s’étendant de la moitié Est de la Côte d’Ivoire jusqu’au Togo. Les Akans fêtent « le dixième enfant ». Pratique qui rejoint la célébration des mères de familles nombreuses en Europe, mais avec une différence notable : si la tradition de ce groupe fait de la mère la figure centrale incontestable de la famille, cette fête célèbre surtout le groupe mère-enfants malgré la participation du père à la fête. En d’autres termes, cette fête présente de manière publique le couple et ses enfants, mais tout le monde a conscience que c’est la femme qui est principalement honorée. La présence obligatoire des enfants est la preuve que sa fécondité mérite reconnaissance comme en témoignent les cadeaux qui lui sont offerts ce jour-là. Dans cette région d’Afrique, cette cérémonie donne à tous la certitude que la femme est le centre de l’humanité et l’homme un être périphérique. Et de même qu’un jeune portant la main sur un vieil homme était un signe de malédiction, un homme qui portait la main sur une femme attirait des malheurs sur sa maison – à commencer par la perte de la considération publique.

Raphaël ADJOBI

16 mai 2021

Mémoires d'outre-haine (Kofi Yamgnane)

                    Mémoires d’outre-haine

                              (Kofi Yamgnane)

Mémoires d'outre-haine

          Tous les gouvernants des jeunes nations – comme celles d’Afrique – qui ont vieilli au pouvoir puis ont quitté ce monde sans avoir laissé trace des relations humiliantes entretenues avec les pouvoirs français ou européens de leur époque sont assurément indignes de leur peuple. Partir sans laisser aux siens des éléments susceptibles de les aider à cheminer plus sûrement dans ce monde est un crime ; un crime d’autant plus grand qu’ils ont été les interlocuteurs privilégiés des autorités européennes. C’est également ainsi que l’on pouvait juger le silence de Monsieur Kofi Yamgnane depuis qu’il n’est plus une autorité publique française en activité. Mais voilà qu’avec Mémoires d’outre-haine, il nous fait comprendre qu’il n’est pas de ces êtres qui cachent leurs meurtrissures aux siens, les laissant tâtonner et subir à leur tour ce qu’ils ont vécu. Sans exagération, ce livre-témoignage est un outil précieux pour tous les Français noirs et un extraordinaire miroir tendu aux Français blancs. Il est écrit comme s’il était le premier et le dernier de la vie de l’auteur : tout dire, afin que les choses soient claires une fois pour toutes, afin qu’il n’y ait rien à rajouter, rien à retrancher. Oui, « l’expérience aidant, on peut devenir un sage, avant de s’en aller… cette progression de l’être humain est un don, une sorte d’offrande, un cadeau de la vie » (p.41).

          Ce livre nous démontre combien nombreux parmi nos compatriotes blancs sont vraiment petits d’esprit et minables. On le lit en passant de l’indignation à l’écœurement pour finalement avoir de la pitié pour eux. Oui, il y a des légions de Français pitoyables à tous les niveaux de la société ! Je ne peux m’empêcher de le dire ; sincèrement. Et c’est aussi le sentiment de l’auteur : « Face à une telle bêtise humaine, j’ai toujours ressenti davantage de pitié que de colère pour ceux et celles que j’ai toujours considérés comme la lie de la société humaine ». En effet, voici qu’ « une élection municipale, comme il s’en déroule plus de 36 000 autres, le même jour, sur tout le territoire de la République, tous les six ans, a fait soudainement de Saint-Coulitz l’exutoire, le défouloir des fantasmes d’une certaine partie de la France » ! Et c’est vrai que ce livre se présente clairement comme – pour paraphraser l’éditeur – « le musée des horreurs » des lettres anonymes racistes, souvent au ton menaçant, reçues pendant ses mandats locaux et nationaux par l’auteur, arrivé en Bretagne en 1964 d’un pays africain qui quatre ans auparavant était une colonie française : le Togo. Pour que le lecteur prenne conscience de la dimension de la triste réalité, Kofi Yamgnagne a tenu à ce que certaines lettres soient photocopiées et présentées ici.

          Employé de la Direction départementale de l’Équipement (DDE) à Quimper, celui qui devient maire de Saint-Coulitz en 1989 – un groupement de hameaux de 254 habitants – va, en 1991, entrer dans le gouvernement sous François Mitterrand au poste de Secrétaire d’État à l’Intégration, héritant par la même occasion de la signature de la naturalisation des étrangers. Il sera aussi Conseiller général puis député du Finistère. Toutes ces expériences vont lui « enseigner comment repérer et reconnaître à coup sûr une personne raciste, un acte raciste, une attitude raciste, une parole raciste, un regard raciste » ; et c’est de cela, seulement de cela qu’il parle dans ce livre avec la conscience qu’il est issu d’un peuple colonisé et qu’il a en face de lui des gens pour qui les Blancs sont naturellement supérieurs aux Noirs et qu’ « il est dès lors impossible que ces nègres viennent les contaminer par le mariage et les diriger dans leurs communes », dans leurs entreprises, dans leurs syndicats. Un exemple : « Malgré cette légitimité octroyée par le peuple de Saint-Coulitz, si Mitterrand ne m’avait pas imposé au PS en me nommant au gouvernement, j’aurais été très vite écarté de toute responsabilité » (p. 147).

          Kofi Yamgnane est franc et lucide. Il sait que la catégorisation des êtres est propre à l’Europe depuis l’Antiquité qui différenciait le barbare, le métèque et le citoyen. Il sait que cette hiérarchisation des êtres, reprise par les croisades puis l’esclavage et les conquêtes coloniales, a ancré le Noir dans une certaine animalité, « dans un état primitif immuable », et établi la supériorité de la race blanche. « En quoi et par quel miracle la France du XXIe siècle aurait-elle changé ? », se demande-t-il. Mais, au-delà de cette implacable réalité, il y en a une autre qui semble la nourrir. Il sait que depuis que « des intellectuels et des hommes politiques de premier plan ont assumé de décomplexer leur racisme, flattant les instincts les plus bas et abreuvant l’espace public » de leurs discours haineux, l’ignorance des Français est apparue si profonde et leur culture raciste si grande qu’ils sont incapables de distinguer un propos ou une attitude raciste d’une conduite humaine. Aussi, il est convaincu qu’ « au cœur de ces réactions est l’ignorance. Ces lettres-là sont généralement truffées de fautes de français, de fautes de grammaire, de fautes d’accord, de fautes d’orthographe, etc. Elles ne montrent pas seulement la misère morale mais aussi la misère intellectuelle de ces compatriotes qui, pour la plupart, sont quasiment analphabètes ou tout au moins illettrés. En tout état de cause, mes correspondants anonymes n’ont guère, selon moi, dépassé le niveau du cours moyen de l’enseignement primaire et pour la plupart ont généralement oublié le peu qu’ils y avaient appris. Non seulement ils ne savent pas écrire le français, mais surtout ils n’ont rien assimilé des valeurs qui font la République française ».

          Les choses sont bien claires : l’ignorance fait le lit du racisme. Maintenant essayons l’instruction pour tous, intégrons parfaitement l’esclavage et la colonisation à notre récit national et attendons de voir leur effet. Oui, maintenant que nous avons tourné le dos à l’esprit de la France de 1794 et de 1848 en faisant de la fraternité un problème, il nous faut essayer cette solution pour sortir de l’impasse. Mais il faut également l’écoute et le respect de nos différences et de nos aspirations multiples qui s’imposent comme une évidence quand nos gouvernants ne sont pas capables de rappeler et de s’attacher fermement à nos idéaux d’égalité et de fraternité. En effet, dit l’auteur, « les racistes occupent désormais ouvertement l’espace public parce que la République n’applique pas ses propres lois, parce que la République est aux abonnés absents, parce que la République a abdiqué face aux ennemis de la république » ! Et ce livre montre par des exemples précis – à travers l’attitude de nos gouvernants et de leurs représentants – comment la France encourage ceux qui tournent le dos à ses valeurs républicaines par des discours qui n’ont pour unique but que d’exclure l’autre au lieu de l’inclure.

Raphaël ADJOBI

Titre : Mémoires d’outre-haine, 253 pages

Auteur : Kofi Yamgnane

Editeur : Locus Solus, 2021

9 mai 2021

Commémoration de l'abolition de l'esclavage 10 mai 2021 - Discours du président de "La France noire"

      Commémoration de l’abolition de l’esclavage

                               10 mai 2021

           Discours du président de "La France noire"

                                         - voir la vidéo - 

Raphaël ADJOBI

Chers amis et sympathisants de La France noire, 

          Comme en 2020, nous sommes dans l’impossibilité d’organiser notre cérémonie annuelle publique commémorant l’abolition de l’esclavage. Les mesures sanitaires dues au COVID-19 obligent. Si ce moment de partage est une fois encore impossible, le devoir de mémoire quant à lui demeure de rigueur. En effet, la loi du 21 mai 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage des Noirs dans les Amériques et dans l’océan Indien comme crime contre l’humanité est l’unique occasion de rappeler à la mémoire de chaque citoyen que la présence de populations noires dans le paysage national est liée avant tout à ce fait de l’histoire de notre pays. Le 10 mai doit donc être pour nous tous un moment incontournable.

          C’est d’ailleurs ce que le premier ministre a tenu à redire par sa circulaire du 16 avril dernier aux préfets ; circulaire dans laquelle il souligne la nécessité de « rappeler la place que l’esclavage occupe dans notre histoire nationale » mais aussi la nécessité de « valoriser la part de la diversité française en rapport avec cette histoire ». Il donne par ailleurs aux préfets la mission de diffuser la circulaire à l’ensemble des maires de leur département « en les invitant à organiser une cérémonie similaire, ou tout autre initiative, notamment culturelle en rapport avec la mémoire de l’esclavage ». Nous nous réjouissons du contenu clair et précis de cette circulaire parce qu’il semble ne pas laisser de place aux mémoires sélectives et à l’interprétation. Il souligne « l’importance de cette page de notre histoire qui a vu se nouer un lien indissoluble entre la France et l’Afrique, l’Amérique, les Caraïbes et l’océan Indien ». En conséquence, il nous semble absolument nécessaire qu’il soit enseigné aux jeunes générations – les citoyens de demain – que la France n’est pas un pays exclusivement européen. Non ! La France est un pays éclaté sur plusieurs continents. Notre diversité nationale vient de là ! Un fait évident mais ignoré ou occulté dans les nombreux discours politiques ou intellectuels au point que de nombreux Français sont aujourd’hui encore convaincus que tout ce qui n’est pas blanc et catholique n’est pas français et doit montrer patte blanche en toute circonstance. C’est cela la discrimination raciale ou racisme. Le racisme n’est pas seulement la négation de l’humanité de l’autre sur le principe de la couleur de la peau ou son déclassement dans l’échelle de l’humanité pour pouvoir justifier son exploitation en toute bonne conscience. Le racisme consiste aussi à assigner à l’autre, toujours sur le principe de la couleur de la peau, une place définitive de laquelle il ne doit pas bouger. 

          Il appartient désormais à tous ceux concernés par cette circulaire – les préfets, les maires, les recteurs (et par ces derniers les chefs d’établissements et les enseignants) – de faire en sorte qu’elle ne reste pas lettre morte mais qu’elle produise de bons fruits à la place du racisme. L’avenir nous montrera les fruits de cette volonté politique qui n’a malheureusement pas fait l’objet d’un discours officiel oral pour lui donner plus de force. Retenons tous que des citoyens qui ne sont pas frustrés, qui sont reconnus dans leur différence sont des citoyens heureux de servir leur pays. 

   Chers amis de La France noire, d’Afrique-sur-Loireprofitons de ce XXe anniversaire de la loi dite Taubira reconnaissant l’esclavage des Noirs dans les Amériques et l’océan Indien comme crime contre l’humanité pour rappeler le combat de tous ceux qui, à l’avènement de la République dès 1789 ont lutté pour que ses valeurs soient effectives pour toutes les populations vivant sur les terres gouvernées par la France. 

          Hommage donc à Toussaint Louverture et à ses amis qui, en 1793, ont contraint le pouvoir esclavagiste de Saint-Domingue à prononcer la fin de l’esclavage sur cette île ; décision qui sera approuvée et élargie à toute la France en 1794 à Paris. C’était la première abolition de l’esclavage. Malheureusement, huit ans plus tard, cette belle affirmation de la République de l’égalité de tous les citoyens – Noirs et Blancs – mourra par la volonté de Napoléon Bonaparte qui voulait satisfaire le capital esclavagiste. En effet, en 1802, huit ans seulement après ce geste humaniste qui faisait de la France le premier pays européen à abolir l’esclavage, Napoléon Bonaparte va le rétablir pour satisfaire l’égoïsme de ceux qui n’ont jamais connu d’autre dieu que l’argent et l’économie. Heureusement, les amis de Toussaint Louverture – que le pouvoir napoléonien a laissé mourir de froid dans le fort de Joux dans le Doux – vont reprendre le combat et triompher de l’armée de Napoléon à la bataille de Vertières en novembre 1803. Une victoire qui va aboutir à l’indépendance de Saint-Domingue, rebaptisé Haïti en janvier 1804. Cette victoire mérite de retenir l’attention de tous. Pourquoi ? Parce que c’est celle de citoyens français noirs qu’une volonté politique malsaine, ennemie de la République, a tenté de réduire à nouveau en esclavage.

   Hommage à Louis Delgrès et à Solitude. Leur détermination pour le maintien des idéaux d’égalité énoncés par la première république mérite, en ce XXIe siècle, l’admiration de nous tous qui croyons encore aux valeurs républicaines d’égalité et de fraternité. Indigné, révulsé par la décision du pouvoir napoléonien de rétablir l’esclavage, Louis Delgrès, sachant qu’il allait payer de sa vie le prix de la liberté qu’il voulait maintenir pour les siens, a adressé un message à la postérité de tous les Français : Noirs et Blancs. Combien sommes-nous à connaître la proclamation de ce républicain contre les ennemis de la République de son époque ? Combien sommes-nous à connaître le nom de ce grand défenseur de la République qui s’est fait exploser avec plus de 300 de ses compagnons de la Guadeloupe pour que vive la République ? Combien sommes-nous à être convaincus qu’il ne suffit pas de savoir quand les valeurs de la République ont été proclamées, mais quels sont ceux qui ont versé leur sang pour les défendre chaque fois qu’elles étaient menacées afin qu’elles nous deviennent chères aujourd’hui ? 

          Hommage à Jean-Baptiste Belley, commandant de la gendarmerie de Saint-Domingue et député de cette île. Alors qu’il faisait partie de l’expédition Leclerc de février 1802 chargée de reprendre l’île des mains de Toussaint Louverture, lui et d’autres militaires noirs seront écartés de l’armée sur instruction de Napoléon. Celui-ci avait décidé secrètement qu’il n’y aura plus jamais en France d’officiers noirs à un grade supérieur à celui de capitaine ! Jean-Baptiste Belley est arrêté, envoyé en France, assigné à résidence à Belle-île-en-Mer (Morbihan) où il mourra en 1805 à l’hôpital militaire de l’île. 

          Hommage à tous ceux qui, galvanisés par la victoire de Saint-Domingue devenue Haïti, ont partout dans les Amériques multiplié les rébellions, les marronnages, les suicides, les infanticides, permettant aux partisans européens de l’abolition de cet esclavage d’avoir suffisamment de courage pour défendre leur droit à la liberté et d’aboutir en 1848 au résultat que nous connaissons aujourd’hui.

       Nous disons ici à tous ceux qui croient, avec beaucoup de naïveté, que c’est la raison qui fait évoluer le monde, que le raisonnement philosophique et ses lumières n’ont pas empêché la France d’être le seul pays européen à avoir aboli l’esclavage deux fois et la traite trois fois, là où il a suffi d’une fois aux autres nations européennes. En effet, tant que l’écoute de l’autre ne sera pas une pratique ordinaire parmi nous, tant que les idéaux à atteindre ne seront pas clairement rappelés et portés par une réelle volonté politique, on assistera au délitement des valeurs de la République, car ses ennemis sont toujours là, en action. La France sera vraiment plus fraternelle lorsque nous serons plus nombreux à nous fixer pour objectif d’apprendre à mieux connaître l’autre pour respecter sa différence.

° Voir la vidéo du discours

Raphaël ADJOBI

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6 mai 2021

L'Egypte ancienne est-elle blanche pour tous les enseignants français ? (Raphaël ADJOBI)

               L'Egypte ancienne est-elle blanche

               pour tous les enseignants français ?

                           (Une réflexion de Raphaël ADJOBI)

          Comme nous le rappelle le dominicain et historien Yves Combeau, « le XVIe siècle est le siècle de l’humanisme. C’est aussi celui où l’on a réinventé l’esclavage et la monarchie absolue », et où fut affirmé que certains parmi nous n’avaient pas d’âme (article Controverse sur l’âme des Indiens d’Amérique – Hors-série de la revue Le Monde 2020). Et quand le jeune comédien et réalisateur Jean-Pascal Zadi dit en mars 2021 – lors de son discours comme lauréat du César du meilleur espoir masculin pour son film Tout simplement noirque l’« on est en droit de se demander si l’humanité de certaines personnes n’est pas souvent remise en cause », la question qui aurait mérité d’être posée était plutôt si au XXIe siècle l’humanité de toutes les personnes est reconnue par tous. Car l’humanité de certains a été officiellement niée au XVIe siècle ! On est donc en droit de se demander qui sont en ce XXIe siècle les négationnistes de l’humanité de l’Autre ?

Hiéroglyphes corps

          Hier comme aujourd’hui, le négationniste est celui qui, par principe, est convaincu de la supériorité de ses croyances érigées en autorité immuable ne devant par conséquent être ébranlée par tout autre avis ou point de vue. Le négationniste conçoit toujours l’histoire et la parole de ses aïeux comme des vérités incontestables. Attitude qui fait apparaître tout mouvement qui viserait à présenter des éléments différents à cette histoire et à cette parole comme une entreprise de révision : du révisionnisme (1). En effet, « revoir » c’est reconsidérer ce qui est proclamé vrai. Une telle entreprise, tout à fait honorable et louable, est considérée comme un crime par celui qui n’a que des certitudes quant à son histoire et à la parole des siens ; ceux-ci ne sauraient mentir, ne sauraient se tromper. Leur avis fait autorité pour l’éternité.

          Or, une telle attitude est celle d’un religieux et non d’un historien. Ce dernier est toujours prêt à entendre un autre avis, alors que le premier, non. En effet, l’histoire est un récit et non une science ; encore moins une religion ! Et parler de récit suppose le droit de « dire » différemment – surtout au regard de connaissances ou considérations différentes. « Toute l’histoire – pas seulement celle de France – est un mensonge. La galerie des victoires de Louis XIV à Versailles est complètement une galerie de mensonges », disait récemment l’écrivain et scénariste Jean-Claude Carrière – historien de formation (France culture – le 27 février 2021). Un révisionniste ? Plus de cinq cents ans après l’erreur monumentale de Christophe Colomb et de ses amis qui prirent les autochtones du « Nouveau monde » pour des Indiens, les négationnistes continuent encore à enseigner aux jeunes générations que ces populations inconnues jusqu’alors des Européens sont bien des Indiens. Pour ne pas être qualifié de révisionniste, tout le monde se tait et entretient l’erreur devenue mensonge et même signe d’irrespect et de mépris du sentiment de l’Autre. En effet, « la première marque de respect à témoigner aux peuples devrait consister à les désigner comme ils le font eux-mêmes » (Léonora Miano – Afropea, édit. Grasset). C’est d’ailleurs ce qu’a fait un musée anglais. En 2006, au moment d’ouvrir sa nouvelle galerie égyptienne, le musée d’art et des antiquités de l’université de Cambridge – Fitzwilliam Museum – a clairement et officiellement admis que l’Égypte ancienne « fait partie de la culture africaine ». Cette institution a fait remarquer que ce sont les Grecs qui ont employé le terme « Égypte » pour désigner cette terre africaine alors que les populations elles-mêmes l’appelaient « Kemet », littéralement « terre noire ». Elle a donc décidé d’appeler sa galerie égyptienne « Virtual Kemet » comme pour signifier qu’il faut redonner aux Africains ce qui appartient aux Africains. Au-delà du fait que les artistes représentaient les populations avec une peau noire et des cheveux crépus – même s’il y a des Africains aux cheveux raides parmi les Peuls et les Touaregs – les conservateurs du musée estiment qu’« il existe de nombreux liens entre la culture égyptienne ancienne et la culture africaine moderne ». Pour eux, les gens voient l’Égypte ancienne avec un regard européen parce que la majorité des livres sont écrits par des chercheurs d’origine européenne ou nord-américaine. Point de vue que rejoindra l’historien français François-Xavier Fauvelle assurant que presque tous les archéologues se sont trompés sur les populations de l’Égypte ancienne parce qu’ils étaient imprégnés des théories racistes de leur époque (Science et Avenir ; Hors-série, juillet/août 2010). A notre avis, cette dernière remarque mérite une précision pour comprendre le déni d’une Égypte ancienne noire devenu une pratique commune.

          Il importe de noter que depuis qu’au XIXe siècle, contrairement à l’avis du Français Vivant Denon (1798), l’anthropologue et racialiste américain Samuel George Morton (1844) a proclamé que les anciens Égyptiens sont des Blancs, toutes les recherches archéologiques n’avaient pour seul objectif que d’en donner la preuve – j’emploie l’imparfait parce que les choses changent considérablement depuis quelques années. Selon cet opposant à la création unique de la Bible (monogénisme) – confirmée par la science au XXe siècle – seule la croyance en une multiplicité de races (polygénisme) peut expliquer l’existence des pyramides, prouesses de l’esprit de la race supérieure blanche que ne peut pas réaliser une race inférieure comme la noire (Nell Irvin Painter – Histoire des Blancs, édit. Max Milo, 2020). Une étrange façon de voir le monde des autres non pas tel qu’il est, mais tel que nous sommes. Depuis, « les archéologues ont fait de l’Égypte un isolat, sans relation avec son environnement africain » (François-Xavier Fauvelle – Science et Avenir, Hors-série juillet/août 2010). En attendant que les preuves scientifiques confirment l’affirmation de Samuel George Morton qui ne repose sur aucune réalité, toutes les recherches archéologiques démontrant le contraire ne portent aucun qualificatif racial. Quiconque ose dire qu’il lui semble reconnaître des Noirs dans les images exhumées de l’histoire de l’Égypte ancienne est aussitôt qualifié de révisionniste ; car le postulat que les anciens Égyptiens sont des Blancs demeure aujourd’hui encore une vérité dans la conscience collective européenne. Ainsi, dans l’Yonne (89), des enseignants se sont donné pour mission de dénoncer à leur hiérarchie tout collègue qu’ils estimeront tombé dans une sorte de radicalisme s’il présente aux élèves des images tendant à démontrer que les anciens Égyptiens sont des Noirs et non des Blancs ! Sur ce sujet – comme dirait la jeune Marie-Antoinette, reine de France, écrivant à ses sœurs restées en Autriche à propos de la passion des Français pour la musique – « on se divise, on s’attaque comme si c’était une affaire de religion ». Non, l’histoire n’est pas une religion ; c’est un récit supposant des visions différentes qu’il convient d’harmoniser au sein d’une même nation ou d’une même équipe. En attendant ce travail, les visions différentes ont le droit d’exister et d’être connues. On ne recourt pas à la loi pour trancher une divergence d’opinion sur une question d’histoire ou de littérature. On ne fait pas appel à l’autorité administrative mais aux instruments du savoir que sont les livres et autres travaux des chercheurs pour se départager. Le contraire s’appelle de l’inquisition. La Controverse de Valladolid est la marque historique de la juste confrontation des idées ; ce n’était nullement le lieu de prononcer une sentence mais de comprendre la réalité et comment se définir en conséquence. N’oubliez jamais qu’il fallait avant tout dire si les autochtones des Amériques étaient des êtres humains ayant une âme et descendaient d’Adam et Eve au même titre que les Européens. Et c’était donc bien une querelle entre « négationnistes » (la croyance officielle que les autochtones n’avaient pas d’âme) et « révisionnistes » (ceux qui pensaient que cette croyance commune était à revoir, à étudier sérieusement). 

Berger égyptien

          Il convient de retenir de tout ce qui précède que l’on ne recourt pas à la loi pour trancher une divergence d’opinion sur une connaissance historique ou littéraire. Répétons-le : dans ces domaines, on ne fait pas appel à l’autorité administrative mais aux livres et aux travaux des chercheurs pour se départager. Recourir à la loi dans de tels débats, c’est sombrer dans l’inquisition, c’est-à-dire dans l’enquête indiscrète, arbitraire et vexatoire. Or, les enseignants ne peuvent être respectés par leur hiérarchie et les parents que s’ils conviennent que l’on ne doit exiger d’eux que « des connaissances disciplinaires parfaitement maîtrisées », comme disait si bien le collègue René Chiche dans La désinstruction nationale. C’est donc se discréditer que de confier le jugement de la qualité de sa science à une autorité administrative plutôt qu’aux travaux de ses pairs destinés à la nourrir en permanence. Quand dans Le bilan de l’intelligence Paul Valéry assurait que nos diplômes et nos statuts (que nous assurent les concours) ne sont que le brevet d’une science momentanée sanctionnant le minimum nécessaire à l’exercice d’une fonction sociale, c’est parce qu’il pense que l’enseignant doit concevoir la connaissance comme un festin perpétuel. Il faut que chaque esprit s’y invite constamment pour se régénérer et éviter de s’étioler inévitablement avec le temps par manque de nourriture intellectuelle variée.

Raphaël ADJOBI       Ecrit le 4/04/2021

(1) « Le négationnisme consiste en un déni de faits historiques, malgré la présence de preuves flagrantes rapportées par les chercheurs, et ce à des fins racistes ou politiques […] Le négationnisme vient en parfaite contradiction des événements qui se sont effectivement déroulés ou des faits établis, alors que le révisionnisme essaie de réinterpréter ou de remettre en perspective des faits, en accord avec les données objectives, sans opérer de sélection dans celles-ci » (Wikipédia).

1 mai 2021

"Au royaume des pharaons noirs" (un documentaire de Sam Mortimore)

     « Au royaume des pharaons noirs »

                  (Un documentaire de Sam Mortimore)

Taharqa 4

« Contrairement aux idées reçues, les pyramides ne sont pas l’apanage de l’Égypte. C’est le Soudan, et précisément la cité antique de Méroé, au bord du Nil, qui abrite le plus grand nombre de pyramides au monde. Il s’agit des vestiges d’une civilisation africaine longtemps occultée par l’Histoire, le royaume de Koush (ou Nubie). En effet, il semblait impossible à la pensée de certains archéologues occidentaux que des Noirs africains aient pu bâtir une civilisation aussi riche : temples, tombeaux, fresques… Cette culture a longtemps été perçue dans son rapport avec la civilisation égyptienne, sans son identité propre. Il faut dire que les relations entre les deux royaumes étaient complexes : Koush a souvent été considéré comme une simple colonie sous la domination de la puissante et orgueilleuse Égypte. Ainsi les fresque du temple égyptien d’Abou Simbel représentent les Koushites comme des prisonniers se prosternant devant le pharaon Ramsès II. Or, ils ont été d’important partenaires commerciaux – le pays a bâti sa fortune sur le commerce de l’or avec l’Égypte – et les rois koushites, les pharaons noirs*, ont régné en Égypte entre le VIIIe et le VIIe siècle av. J.C.

Depuis quelques décennies, on note un regain d’intérêt des égyptologues et des archéologues pour l’importance de cette société ; Ce documentaire en est le reflet. Didactique et ambitieux dans sa volonté de précision, il parvient à réhabiliter la civilisation koushite injustement méconnue dans la mémoire collective ».

Alexandra Klinnik (Télérama du 24 au 30 avril 2021)

Taharqa 2

* Remarque sur l’article : A aucun moment de son bref article, Alexandra Klinnik ne parle de pharaons blancs ; mais en qualifiant les rois koushites de pharaons noirs, elle laisse insidieusement entendre que les rois égyptiens sont des pharaons blancs. Il en est toujours ainsi : personne ne dit ni n’écrit « pharaons blancs » mais on laisse supposer que c’est de cela qu’il s’agit. Ainsi, les artistes et les cinéastes peuvent se permettre toutes les interprétations n’ayant surtout aucun lien avec les cultures africaines. De même, dans le documentaire, alors que les archéologues parlent de pharaons koushites, le commentateur ne cesse de répéter « pharaons noirs » pour bien laisser entendre que les pharaons égyptiens battus par leurs voisins du sud étaient blancs. Dans les deux cas, ce n’est pas du tout honnête de procéder de la sorte. Retenons que le chimiste et anthropologue Cheikh Anta Diop (1923 - 1986) avait en son temps demandé une analyse scientifique sur une momie pour lever le doute. Sa demande est restée vaine. Pourtant, en 2018, le Natural History Museum de Londres a analysé les ossements de Cheddar Man – l’ancêtre des anglais – et a révélé que celui-ci avait la peau noire. Pourquoi ne pas passer les momies par la même preuve scientifique ? De quoi a-t-on peur ?

Taharqa 7

Soyons clairs : pour ce qui est de tous les Africains d’hier et d’aujourd’hui – avant l’occupation permanente de la partie nord du continent par des peuples à la peau blanche avec le mélange que l’on remarque dans certaines régions – voici ce que l’on constate dans cette partie de l’Afrique en partant du nord vers le sud : 1) Les populations du désert étaient et sont tous des Noirs aux traits fins et aux cheveux parfois raides comme chez les Touaregs et les Peuls. 2) En descendant vers le sud, à partir du Sahel (zone entre le désert et la forêt), les traits des populations changent : on rencontre plus de Noirs au nez épaté. 3) Et quand on atteint la zone de forêt, les nez très fins deviennent rares (sauf au Rwanda et dans certains pays de l’Est). Cette variété de traits morphologiques est une réalité africaine indiscutable parce qu’observable. Les Égyptiens aux très fins (comme la majorité des Ethiopiens) et leurs pharaons étaient des Noirs ; les pharaons au nez épaté étaient souvent originaires du sud, c’est-à-dire de Koush qui était en contact avec les populations des forêts.

Remarques sur le documentaire :

Taharqa 3

1) On apprend qu’après avoir triomphé des Égyptiens, leurs voisins du Nord, les Koushites ont souvent adopté le même attribut de pharaon mais avec deux cobras sur la coiffe royale au lieu d’un seul chez les Égyptiens ; le double cobra signifiant la réunion de l’Égypte et de Koush. Imaginez-vous dans ce coin du monde sans barrière naturelle notable un peuple blanc égyptien et un peuple noir koushite formant un seul royaume sous des rois noirs pendant plus d’un siècle ? Il est temps de cesser de fantasmer !

2) Quand les Koushites, régnant sur l’Égypte, ont été vaincus par les Assyriens, que font les populations égyptiennes ? L’égyptologue nous dit qu’ils se contentent de supprimer de la coiffe des pharaons koushites l’un des cobras afin que l’on croie qu’il s’agit d’un pharaon égyptien ! N’est-ce pas là la preuve que du point de vue de leur physique, il n’y a pas de différence entre un pharaon koushite et un pharaon égyptien ? N’est-ce pas là la preuve que les uns et les autres sont noirs et que tout ce qui différencie un pharaon égyptien et un pharaon koushite se résume au nombre de cobras sur la coiffe ?

3) Lorsqu’ils occuperont successivement l’Égypte, ni les Assyriens, ni les Grecs, ni les Romains ne se feront pharaons pour gouverner le pays ! Ils laisseront plutôt les traces de leur culture. Ce sont des peuples qui n’ont rien à voir avec la culture africaine. Ce qui les intéressaient, ce sont les riches du pays et non pas régner sur les Noirs qui se sont d’ailleurs retirés en grand nombre plus loin vers le sud devant ces invasions. On n’a jamais vu un vainqueur adopter la culture du vaincu. Ce qui explique pourquoi dans le documentaire certaines techniques égyptiennes adoptées par les koushites ont beaucoup intrigué les archéologues, même si les deux peuples leur semble avoir des cultures voisines.

Etiopiens Ethiopiennes

Popularions du Niger

Visages d'Afrique 1

Jeunes rwandaises 2

1 avril 2021

La désinstruction nationale (René Chiche)

                 La désinstruction nationale

                                      (René Chiche)

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          « Il est dramatique que tant de jeunes gens soient munis d’une carte d’étudiant alors qu’ils ne sont pas capables d’écrire correctement trois lignes en français ni de déchiffrer autre chose que des tweets ou des hiéroglyphes que les concepteurs d’application leur fournissent à profusion afin de remplacer les mots ». Vous avez compris : l’auteur s’indigne du niveau de langue des jeunes Français qui frappent aux portes des universités. Comment des élèves presqu’illettrés ont-ils réussi à parvenir à ce stade des études pour prétendre entrer à l’université ? Comment peuvent-ils comprendre quelque chose des textes complexes si la langue dans laquelle ils sont écrits n’est pas suffisamment maîtrisée ? Il faut que les adultes qui organisent une telle catastrophe soient absolument inconscients pour ne retenir de la langue que sa fonction de communication et laisser de côté sa qualité d’instrument à penser. C’est aussi le constat que je fais et qui motive mes analyses et propositions dans Il faut remettre le français au centre de l’enseignement (éd. Les Impliqués, 2021). 

          Pour remonter aux causes de cette catastrophe, René Chiche s’appuie sur son expérience personnelle de professeur en lycée et nous montre l’esprit animant les proviseurs qui ne sont plus issus du monde enseignant mais de celui de la grande administration où le souci de la carrière est la chose la plus importante, la flèche bleue de la boussole qui leur indique qu’ils ne doivent pas perdre le Nord en veillant à la qualité de l’instruction des jeunes gens qui sont à leurs pieds. De la direction des lycées au Ministère de l’Education nationale, en passant par les rectorats, le résultat catastrophique de leurs réformes et de leurs injonctions aux enseignants a peu d’importance ; le bon fonctionnement des rouages du système semble suffire. D’où, chez eux, ce leitmotiv : pas de vague ! Par ailleurs, avec la complicité des « nouveaux pédagogues » ainsi que de nombreux « experts » - avec leurs « nouveaux programmes » - les « nouveaux manuels » scolaires et « parascolaires » se sont multipliés et ont fini par faire des éditeurs les conseillers et les confidents de chaque ministre de l’Education nationale ; une insidieuse dépossession des professeurs de leur autorité intellectuelle. Après cela, chefs d’établissement, inspecteurs et recteurs peuvent les infantiliser par une relation administrative malsaine faite de notations, menaces, sanctions pour « détruire le coeur de leur identité professionnelle ». Il ne reste plus qu’à l’élève de tenter de leur marcher sur le corps. 

          Selon l’auteur, les enseignants ont aussi leur part de responsabilité dans ce qu’ils déplorent et subissent : nombreux parmi eux distribuent des notes pour qu’on leur « fiche la paix », serrent les dents et les fesses, en attendant de quitter le navire avec grand soulagement. Pour reprendre leur place et leur rôle, il faut que les professeurs fassent savoir aux administratifs de l’Education nationale et aux parents que les seules connaissances qu’on doit exiger d’eux sont « les connaissances disciplinaires parfaitement maîtrisées » mais aussi le respect qu’elles méritent. Alors l’école pourra être sauvée parce que la pédagogie du professeur ne visera plus à s’adapter à l’enfant mais à l’élever. En effet, la pédagogie croit en l’intelligence de l’enfant et s’adresse à elle en toute circonstance pour l’aider à grandir.

Raphaël ADJOBI

Titre : La désinstruction nationale, 247 pages

Auteur : René Chiche

Editeur : leseditionsovadia, 2019

23 mars 2021

Il faut remettre le français au centre de l'enseignement (lu par Electre et Liss Kihindou)

   Il faut remettre le français au centre de l'enseignement

                           Une autre révolution est possible

Je vous invite à découvrir ma première publication papier : un livre sur l'enseignement du français. Tous les collègues qui l'ont lu sont enthousiastes en y découvrant ce qu'ils déplorent et subissent. Faut-il croire que pour eux aussi une autre révolution est possible si on remet le français au centre de l'enseignement ? "C'est aux familles et aux enseignants [que je m'adresse] ; autant dire à tout le monde. Le grand oeuvre commun de notre vie, c'est l'instruction de nos enfants et petits-enfants. Cette entreprise mérite toute notre attention et tous nos soins".

Les impliqués 1

© Electre 2021 (réseau de librairies)

« Un essai sur l’importance de l’apprentissage de la langue française et comment l’Education nationale échoue à l’inculquer, nuisant ainsi aux valeurs culturelles que la langue véhicule et aux réflexions qu’elle permet. L’auteur insiste sur le rôle des enseignants, critique l’enseignement personnalisé et évoque le surdiagnostic de la dyslexie et de l’hyperactivité ».

Extrait de l’analyse de Liss Kihindou

« Il faut remettre le français au centre de l’enseignement […] est un livre dont la lecture sera éminemment édifiante et profitable à tous, enseignants (ceux du primaire et du collège en particulier), parents, chefs d’établissement, aussi bien que décideurs politiques. […] Dans l’ensemble, ce livre fait écho à bon nombre de discussions entre collègues, en salle des profs ou pendant les réunions de l’équipe pédagogique, par exemple lorsque l’auteur dénonce l’intervention intempestive des parents dans un milieu désacralisé ou désanctuarisé. En outre, il est écrit dans une langue savoureuse qui ne se prive pas d’images ni d’humour, pour ne pas dire d’ironie... » / Accédez à l'article de Liss Kihindou : valetsdeslivres 

° 10 euros, chez votre libraire ou à la Fnac.
16 mars 2021

Les Oeuvres littéraires étudiées au collège et au lycée sont l'expression de l'idéologie dominante (Raphaël ADJOBI)

Les œuvres littéraires étudiées au collège et au lycée

       sont l’expression de l’idéologie dominante

Manuels scolaires

          En 1748, dans L’esprit des lois (L. IV), Montesquieu assurait que le citoyen d’une nation doit être instruit dans l’esprit de sa constitution et de ses « lois fondamentales ». En d’autres termes, la forme de gouvernement sous laquelle l’on vit détermine l’éducation que chacun doit recevoir. Conformément à ce principe dirigiste, les livres conseillés par les instructions officielles de chaque pays pour nourrir les thématiques qui jalonnent son système pédagogique illustrent merveilleusement le parti pris politique de l’idéologie dominante – sauf dans les pays subsahariens francophones arrimés à la France. Ce qui veut dire que la seule conscience du caractère politique du choix des livres et surtout du contenu des manuels scolaires doit nous obliger à être prudents et nous inciter à boire à d’autres sources que celles indiquées par la tutelle ministérielle. Faute de ce travail d’investigation volontaire, l’enseignant se condamne – ici ou ailleurs – à n’être qu’un répétiteur des directives de l’idéologie dominante. Heureusement, en France, si la thématique est contraignante, la liberté de choix du livre, du texte ou de l’image qui doit l’illustrer est totale pour l’enseignant. Mais trop souvent, nous cédons à la facilité et n’étudions que les livres suggérés par les officiels de notre enseignement ; et surtout, nous sommes trop fidèles aux manuels scolaires distillant leurs discours forcément tendancieux.

          Au collège où les pièces de Molière font figure de monuments incontournables depuis des décennies, qu’étudie-t-on ? Les Fourberies de Scapin, L’avare, Le bourgeois gentilhomme, Le malade imaginaire, Tartuffe et Le médecin malgré lui. Et qu’apprenons-nous de toutes ces pièces du célèbre dramaturge du XVIIe siècle ? Evidemment les caractères des hommes de la société de son époque et non les caractères de la société elle-même. Or, s’attaquer aux traits de caractères des hommes qui rendent la vie infernale aux autres, c’est laisser intactes les structures de la société et éviter les foudres du pouvoir en place. En effet, en n’étudiant que ces pièces de Molière – excepté la féroce critique des médecins dans Le malade imaginaire, donc critique d’un corps social – nous finissons par entretenir dans notre esprit et dans celui des jeunes l’image d’un artiste qui a passé son temps à tourner en dérision les mauvais caractères de ses contemporains qui vivaient dans une société où tout était bien dans l’ordre naturel des choses. En d’autres termes, on retient que la société était belle mais ce sont les hommes qui étaient mauvais. Et pourtant, Molière n’était pas qu’un amuseur public ; il était aussi un critique de la société, un critique de la difficile relation que les différents éléments qui la structuraient entretenaient entre eux. Sa pièce Georges Dandin en est la preuve.

          Pourquoi ne privilégie-t-on pas l’étude de Georges Dandin dans nos collèges ? Trop difficile pour les jeunes ? Non ! La seule raison est que cette pièce est éminemment politique : elle est la critique de la société française, ou européenne, dans laquelle les bourgeois – les riches commerçants des villes – se heurtaient à la ligne de démarcation ou plafond de verre des normes et valeurs instituées par l’aristocratie. Plafond de verre qui finira par voler en éclats un siècle plus tard – en 1789 ! Avant cette date, seul l’achat d’une charge nobiliaire conférait au bourgeois la considération due à un aristocrate. Le mépris ouvertement affiché des derniers à l’égard des premiers, mis en évidence de manière éclatante par Molière, ne semble pas être le bienvenu dans nos établissements. Cela pourrait permettre aux jeunes générations de comprendre l’esprit des siècles qui ont précédé la révolution ; un esprit dont ils pourraient aisément reconnaître les traces dans la société française de ce XXIe siècle. C’est pour la même raison politique qu’Aimé Césaire et son Discours sur le colonialisme ont été exclus du concours d’agrégation.

          Par ailleurs, dans les lycées, dès que l’on aborde certains sujets comme les grandes causes défendues par les penseurs du XVIIIe siècle, le poids politique apparaît tout de suite clair dans le choix des textes proposés. La critique de l’esclavage des Noirs dans les Amériques est le sujet qui récolte la palme du dirigisme de l’État français à travers le contenu des manuels et des livres proposés aux élèves et enseignants. Voltaire et Montesquieu y apparaissent auréolés du titre de défenseurs ou de pourfendeurs de l’esclavage et donc comme des frères des Noirs. Or, non seulement l’un et l’autre étaient convaincus de la supériorité de leur race, mais encore leurs discours proposés aux élèves méritent d’être élargis à ceux qu’on ne lit jamais afin de mieux juger si oui ou non ils sont des défenseurs des Noirs déportés et soumis à l’esclavage dans les Amériques. Concernant le fameux texte de Montesquieu censé être une critique de l’esclavage – le seul étudié par tous les lycéens de France et d’ailleurs depuis près d’un siècle – il suffit de dire qu’il ne fait pas l’unanimité des critiques quant à son esprit. Le fait que ce même texte a servi d’argument pro-esclavagiste au XVIIIe et au XIXe siècles est une raison suffisante pour susciter l’attention et des interrogations chez ceux qui en font un discours anti-esclavagiste. Oui, ce texte a servi à soutenir et à justifier l’esclavage des Noirs à l’époque de Montesquieu ! (Voir Regards sur l’esclavage au XVIIIe siècle – Montesquieu, Bernadin de Saint-Pierre, collection BT2, PEM). Concernant Voltaire, il convient de dire que le fait de désapprouver une mauvaise action ne veut pas dire prendre la défense de la victime. Les enseignants doivent prendre soin de ne pas pousser les jeunes à passer aussi allègrement de l’un à l’autre ; car la différence est très grande. De nombreux textes de Voltaire montrent son racisme à l’égard des Noirs qui sont à ses yeux des êtres inférieurs. Par ailleurs, contrairement à Condorcet, il tient les Africains pour les premiers responsables de la déportation des leurs et non point les esclavagistes européens. Je renvoie tous les collègues professant dans les lycées à l’excellente présentation des Réflexions sur l’esclavage des nègres de Condorcet réalisée par Jean-Paul Doguet (Edit. Flammarion, 2009), pour reconnaître entre les penseurs du XVIIIe siècle ceux qui déplorent, ceux qui critiquent et enfin ceux qui combattent. Ce travail est absolument nécessaire pour ne pas faire de tous ceux qui ont écrit sur l’esclavage des combattants. C’est au risque que l’on prend par rapport à la pensée dominante que l’on mesure la force de notre engagement.

          Retenons tous que l’humanisme des penseurs du XVIIIe siècle, tel qu’il nous a été enseigné durant des décennies, est aujourd’hui fortement remis en question. Contrairement à ce qui a bercé notre jeunesse – et que beaucoup reproduisent sans travail de recherches supplémentaires – il convient de retenir désormais que « l’humanisme du siècle des Lumières n’est pas un humanisme accueillant des autres et de la diversité des cultures » (Corinne Pelluchon, Comment réinventer les Lumières – France inter, janvier 2021 – auteure de Les Lumières à l’âge du vivant, édit. Du Seuil). C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi, selon Jean-Paul Doguet, Condorcet – président de la société des amis des Noirs – voue une hostilité foncière à Pascal et au pessimisme janséniste. En effet, « le pessimisme pascalien est précisément le genre de philosophie qui déplore et justifie à la fois la violence et l’oppression en s’interdisant d’y remédier positivement » (Jean-Paul Doguet). Parce que ses Réflexions sur l’esclavage des nègres était une critique très explicite et très analytique par rapport à toutes les productions du XVIIIe siècle sur le sujet, Condorcet a dû le publier sous pseudonyme. Ce fait est la preuve irréfutable qu’au siècle des Lumières on ne pouvait pas se permettre de critiquer aussi frontalement avec maints détails une pratique qui alimentait les caisses du royaume de France. Lire Condorcet, c’est donc toucher la limite de la liberté d’expression et de la prétendue vaillance de certains penseurs au siècle des Lumières.

Raphaël ADJOBI

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