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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël

3 juin 2007

Comment la France a perdu l'Afrique

Livre_de_Glaser_et_SmithComment la France a perdu l’Afrique

                            

       (Antoine Glaser et Stephen Smith)

            Ce livre est vivement conseillé à tous ceux qui veulent avoir une vision globale de la politique africaine de la France depuis le début du XX è siècle. C’est en réalité essentiellement l’historique des relations entre la France et l’Afrique sub-sahélienne. On ne peut qu’être conquis par la qualité des analyses d’Antoine Glaser et Stephen Smith qui peignent ici les liens trop étroits entre l’ancien colonisateur et ses anciens colonisés.

 

            Si le commun des Français est loin d’avoir saisi l’importance des événements qui se sont déroulés en Côte d’Ivoire en novembre 2004, les deux auteurs voudraient l’imprimer dans la tête de leurs lecteurs. Ils n’hésitent pas à comparer le massif encerclement de l’armée française devant l’Hôtel Ivoire à une véritable prise de la Bastille. Les événements de cette journée qui se sont poursuivis jusque tard dans la nuit avec le safari des hélicoptères français tirant sur les manifestants massés sur les deux ponts enjambant la lagune Ebrié ont véritablement sonné, à leurs yeux, la fin d’une ère française en Afrique. Jamais, nulle part en Afrique noire, la France n’a été autant bousculée, huée ! Et sans doute jamais depuis 1960, l’armée française n’a réprimé aussi sauvagement une manifestation dans ces anciennes colonies.

 

            A ceux qui pensent que l’Afrique n’apporte rien à la France et qu’elle n’est pour celle-ci qu’un boulet, ils voudraient leur faire comprendre que c’est l’Afrique qui confère à la France sa notoriété dans le concert des grandes nations. Sans elle, le veto de la France à l’ONU n’aurait aucun sens ; et cela tout simplement parce que la France s’est toujours présentée devant les grandes nations du monde comme le parrain et le porte-parole des pays pauvres d’Afrique. D’autre part, l’Afrique est un marché de consommation pour la France. Enfin, la France s’est toujours octroyé le monopôle des investissements dans ces anciennes colonies ; en d’autres termes, c’est un marché où les investisseurs français ne souffrent pas la concurrence des autres pays développés. Et ce n’est pas rien d’avoir le monopôle des exploitations et des grands travaux dans tous les pays francophones d’Afrique. Enfin, ici et ailleurs dans les revues économiques, on souligne que malgré la crise qui sévit en Côte d’Ivoire, ce pays reste toujours la locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest ; ce qui fait prendre conscience de la pauvreté des autres nations africaines.

 

            Les lecteurs africains trouveront dans ce livre toutes les explications quant à la manière dont la France a été impliquée dans les différents coups d’état survenus en Afrique. Ils sauront également comment la France organise officiellement la désinformation pour rendre les dirigeants africains responsables de tout ce qui leur arrive. En clair, presque rien ne se fait en Afrique francophone sans la bénédiction de la France ou son bon vouloir.

 

            Tous ces éléments et bien d’autres fournis avec force détails - dates et chiffres – font de cet ouvrage un précieux auxiliaire pour tous ceux que passionnent les aventures de la France sur la terre d’Afrique. D’autre part, les auteurs ne manquent pas de citer les sources des informations qu’ils donnent pour appuyer leurs analyses. Sources qui peuvent faire l’objet d’autres lectures.

 

Titre       : Comment la France a perdu l’Afrique

Auteur    : Antoine Glaser et Stephen Smith

Edition   : Calman-Lévy   

 

Raphaël ADJOBI

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22 mai 2007

France : que faire du passé qui empoisonne le présent ?

               France : que faire du passé

                         qui empoisonne le présent ?

 

 

Analyse inspirée d’une interview accordée par Toni Morrison a France inter le 10 novembre 2006 à 8 h 45. Elle fait aussi écho à la demande de repentance formulée par le CRAN. Demande reprise et défendue par le journaliste ivoirien Théophile Kouamouo dans un article publié sur Agoravox.

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            On peut noter que depuis environ trois ou quatre ans, face au peu de place qui leur est faite dans la société française, les Français d’origine antillaise et africaine donnent de la voix pour exprimer un certain nombre de revendications. Débats, colloques, blogs, textes de rappeurs, films, sont les canaux par lesquels ils expriment de plus en plus leur malaise et leur colère. La dimension prise par la commémoration de l’abolition de l’esclavage le 10 mai 2007 du fait de la présence de deux présidents de la République ne doit pas nous faire oublier l’ampleur des frustrations que connaît cette minorité française. Ces français ont fini par croire que si la communauté blanche refuse de leur faire de la place, c’est parce qu’elle vit dans l’ignorance de leur histoire commune : l’esclavage puis la colonisation. Il serait par conséquent bon, estiment-ils, que celle-ci soit reconnue et occupe autant de place que les autres événements qui ont marqué et façonné la France, et aussi qu’ils soient mieux représentés dans les paysages administratif et politique.

A contre courant de ce mouvement, contre toute attente, ce sont des députés du peuple français et des hommes politiques qui se sont levés, le 25 février 2005, pour réclamer qu’il soit introduit dans l’enseignement du pays la reconnaissance des bienfaits de la colonisation.

            Cette demande officielle des élus de la République ne doit nullement être interprétée comme une provocation. Elle est tout simplement à la fois la conséquence de l’ignorance de leur propre histoire et aussi une volonté délibérée de nier certaines vérités de l’histoire afin de perpétuer l’intolérance à l’égard des afro français. Disons-le net : A force de parler à la place des minorités, et souvent même sans les regarder, la classe politique française a fini par agrandir le fossé qui la sépare de ceux dont elle voudrait faire le bonheur. Ce que l’on attend de la communauté blanche française désormais, c’est qu’elle se taise enfin et qu’elle se mette un instant à l’écoute des autres communautés. Qu’elle cesse de leur inventer des maux auxquelles elle invente ensuite des solutions ! Ces solutions sont toujours mauvaises parce que les maux sont imaginaires.

            Mais arrivons à la question essentielle : Faut-il qu’un ancien pays colonisateur comme la France reconnaisse officiellement ses crimes du passé ? Lisez bien que je ne pose pas la question de savoir si un ancien pays colonisateur doit faire acte de repentance de son passé. Que l’on comprenne une fois pour toutes que la question posée ne vise que la recherche et la reconnaissance de la vérité. C’est tout ! Vous comprendrez plus loin pourquoi.

            Je vois déjà certains compatriotes blancs lever les bras au ciel criant qu’il faut faire table rase du passé et voir l’avenir. Ils oublient que les drames, les conflits et les inégalités qui sévissent dans notre société ont leur source dans une histoire tronquée, falsifiée - quand elle n’est pas occultée - qui permet à certains de justifier la prépondérance de la communauté blanche sur le reste des citoyens français. Il est donc bon que les uns et les autres connaissent le vrai visage du passé afin de mieux avancer vers nos idéaux communs : la liberté, l’égalité et la fraternité.

            Quel est l’intérêt de cette recherche de la vérité du passé, de la vérité de l’histoire ? En quoi cette vérité historique est-elle nécessaire ? Sous tous les cieux, et plus autour de nous qu’ailleurs, il n’est pas rare de voir des familles exiger de connaître la vérité sur la perte d’un des leurs. Au-delà de la sanction qui relève du devoir de la justice, elles exigent des criminels qu’ils disent exactement ce qu’ils ont fait à leur fils, à leur fille ou à leur parent ; elles veulent « savoir » pour faire devoir de mémoire, c’est à dire pour ranger définitivement le vécu dans le passé, dans « leur histoire » afin de tourner la page. Et dans leur démarche, on voit chaque jour des élus, des hommes politiques leur apporter leur soutien jugeant ce devoir de mémoire absolument nécessaire à la construction ou reconstruction de ceux qui survivent aux morts.

            D’autre part, nous notons que les enfants nés sous X devenus adultes sont nombreux à ressentir cruellement le besoin de connaître la vérité sur leur naissance et par la même occasion la place qu’ils occupent dans la chaîne humaine. Inutile de vous parler des nombreuses commémorations et les nombreux voyages sur des lieux de crimes ou de tortures en guise de devoir de mémoire générés par la dernière guerre mondiale.

Nous voyons donc qu’il est communément admis que pour dépasser un traumatisme, il est nécessaire de dépasser la honte, le sentiment de vaine culpabilité, le sentiment du vide intérieur, de l’être de nulle part, il est nécessaire de vaincre les blessures sans cesse ressassées qui en découlent pour aller de l’avant. Pour guérir de tout traumatisme, tout individu a besoin de parler ou d’entendre la vérité ou d’avoir un élément qui puisse lui signifier ce qu’il a été ou d’où il vient. Et il en est de même des individus comme des peuples. Dans le concert des nations, un seul pays a osé ce devoir de mémoire : c’est l’Afrique du sud. Mais personne en France ne demande un traitement de notre passé à la manière de l’Afrique du sud. Il suffit, il me semble, que la vraie histoire des Afro Français soit portée à la connaissance du peuple français par les canaux traditionnels de la formation et de l’information que sont l’enseignement et les médias. Je ne veux point énumérer ici les éléments de cette histoire qui méritent d’être connus. Les ouvrages qui les contiennent existent dans les bibliothèques et les archives administratives de France. Il manque tout simplement la volonté politique de les faire sortir au grand jour pour qu’ils participent à l’instruction et à l’information des individus.

            La prise en compte du passé de la minorité afro française est donc un impératif puisque sa négation est synonyme d’oubli d’une longue page de l’histoire du peuple français tout entier.                                    

            Je crois sincèrement que c’est seulement lorsque le Français blanc aura intégré dans sa conscience la vérité relative à l’histoire des Afro Français comme étant également la sienne qu’il sera en mesure d’esquisser le geste du pardon sans qu’on le lui demande. Il en sentira le besoin au nom de la seule fraternité. Tout récemment – au début de ce mois de mai 2007 - la Reine d’Angleterre a demandé publiquement pardon, au nom des Anglais blancs, aux noirs et aux indiens pour tous les crimes commis dans le nouveau monde. Si dans ce pays, cet acte a été possible, c’est parce que le chemin parcouru pour l’équité avec les minorités dans les institutions, dans l’administration et dans les entreprises est largement en avance par rapport à la France. Vivant encore dans la honte, la France se sent obligée d’inventer des subterfuges qui ne permettent pas à un français blanc de demander pardon à un Français noir quand il le blesse et vice versa. Voilà pourquoi il importe que l’étape essentielle de la connaissance de la vérité et de son enseignement qui seule peut décrisper le présent soit d’abord franchie. La vérité librement acceptée changera énormément le regard des uns sur les autres et contribuera à la marche vers l’égalité dans tous les domaines. Et par voie de conséquence, les progrès de l’égalité favoriseront à leur tour la liberté et la fraternité entre les citoyens.

            Mais s’il est vrai que la prise en compte de la vérité de l’histoire de la minorité afro française appartient aux autorités politiques, je suis de l’avis de Toni Morrison ( Américaine, auteur de Beloved) pour dire qu’il n’appartient pas au colonisateur d’écrire l’histoire des colonisés. Car tout le monde sait que les histoires de chasse glorifient toujours le chasseur. C’est pourquoi, je loue, pour ma part, les talents du Béninois Dieudonné Gnammangou, du Français (Guadeloupéen) Claude Ribbe, et de l’Américain Runoko Rashidi qui se sont lancés dans l’entreprise de reconstitution de l’histoire des noirs.

 

Raphaël ADJOBI

16 mai 2007

Sarkozy, Bolloré et Gbagbo

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    Sarkozy, Bolloré et Gbagbo

 

            Sarkozy vient d’être officiellement installé à l’Elysée. Chirac est parti sans avoir triomphé de Laurent Gbagbo. Nombreux sont les Ivoiriens qui attendaient cette petite victoire du dernier sur le premier. Mais la voie est-elle pour autant suffisamment dégagée pour que le président ivoirien et ses compatriotes aient le temps de mener à bien la paix qu’ils ont initiée ?

            D’abord, la récente rencontre entre Nicolas Sarkozy et le président gabonais Omar Bongo lors d’un séjour privé à Paris m’avait enlevé l’espoir de voir progressivement la françafrique perdre un peu de sa superbe avec le départ de Chirac. En effet, j’ai vu dans cette rencontre entre les deux hommes le passage du témoin pour la poursuite du système français d’exploitation de ses anciennes colonies aujourd’hui très décrié sur le continent africain. Ensuite, c’est l’escapade à Malte de Nicolas Sarkozy au lendemain de son élection qui m’a plongé dans une profonde inquiétude qui devient peu à peu une véritable peur du lendemain pour la Côte d’Ivoire. Et pourquoi donc ? me direz-vous.

            Tout d’abord parce que si la collusion entre Nicolas Sarkozy et le monde des finances est connue, la découverte de son amitié avec le milliardaire Bolloré me renvoie à la Côte d’Ivoire et la crise qui la secoue depuis cinq ans. En effet Bolloré est le milliardaire français dont le tiers de la fortune est réalisé en Côte d’Ivoire (in la revue Challenges n° 237 du 16 décembre 2004 au 5 janvier 2005, p. 29). Inutile de rappeler que désormais tout le monde, en Europe et en Afrique, est d’avis que la revendication essentielle des loyalistes ivoiriens est l’indépendance économique de leur pays. Une question se pose donc. Comment Sarkozy s’y prendra-t-il pour ne pas décevoir son ami ? Tout porte à croire, qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir de Président des français pour défendre les intérêts de ses compatriotes en aidant la venue au pouvoir en Côte d’Ivoire des hommes qui leur sont favorables.

            D’autre part, n’oublions pas que Sarkozy est le parrain de mariage de Alassane Ouattara et qu’il ne cache pas son amitié pour ce dernier. C’était bien pour Ouattara - par l’intermédiaire de Soro Guillaume - que Chirac a voulu dépouiller Gbagbo de ses fonctions essentielles en vue de le faire chuter. Et aujourd’hui Soro se croit bien placé pour mener ce dessein à bien. Il le confiait au journal Le Monde dans son édition du 19 mars 2007 en des termes très explicites en parlant de Laurent Gbagbo au moment même où celui-ci venait de lui proposer le poste de Premier Ministre : Je vais « le feinter, le dribbler ».

            Les éléments d’un scénario explosif semblent donc réunis. Le sentiment national sera-t-il assez fort chez Soro pour qu’il poursuive l’entreprise de paix commencée avec Laurent Gbagbo ou cédera-t-il à l’appel de ses amis qui ont fait sa fortune et lui ont permis de vivre jusque là comme un prince alors qu’il n’avait jamais exercé de fonction rémunérée ? En tout cas, des nuages bien sombres s’amassent sur la Côte d’Ivoire.   

 

Raphaël ADJOBI

4 mai 2007

L'Afrique dans le débat des présidentiables

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    L’Afrique et les présidentiables

            Dans le débat des présidentiables, l’Afrique a été limitée par Sarkozy au Darfour et à la nécessité de juguler le flux des miséreux Africains vers la France qui ne peut pas supporter toute la misère du monde. Très brièvement Ségolène Royale a évoqué les souffrances matérielles qui poussent les jeunes à partir contre la volonté de leurs parents. Mais pas un mot du rôle que l’un ou l’autre pourrait jouer par le biais de la politique de la France dans le développement de l’Afrique. Pas un mot non plus de la responsabilité de la France dans ce qui se passe dans les pays francophones, hier ses anciennes colonies, aujourd’hui un marché juteux pour ses entreprises.       

            Décidément, la politique étrangère de la France demeurera à jamais la chasse gardée de l’Elysée et des sociétés françaises. Il n’est point nécessaire que le peuple sache ce que la France y fait. Son armée peut tuer, égorger, violer, et ses entreprises piller, voler, polluer dans le silence et l’ignorance totale du peuple français. 

            Les minorités françaises non plus n’ont guère retenu leur attention. C’est par le biais du mot délinquant qu’ils ont pensé à eux. Et ceux-ci à leurs yeux ne méritent que plus de sévérité et de discipline pour justifier les allocations qui leur sont octroyées. Aucun projet spécifique pouvant permettre à la jeunesse des banlieues de se reconnaître dans les desseins de la République n’a été évoqué. Elle n’a même pas eu droit aux fausses promesses pour donner ses voix.

            Mon Dieu ! Qu’en ce bas monde certains sont si peu de chose aux yeux de la France !   

 

Raphaël ADJOBI

   

 

28 avril 2007

Sarko ou Ségo, qui choisir ?

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  Sarko ou Ségo, qui choisir ?

            Le fait qui rend ce deuxième tour des élections présidentielles françaises intéressantes réside essentiellement dans la nouveauté et la jeunesse des candidats. Ils nous font oublier la vieille France où nous retrouvons à chaque élection présidentielle les vieux leaders des partis. D’autre part, le taux de participation record au premier tour qui risque de ne pas se reproduire au second tour suscite des craintes, voire des peurs.

            Mais l’intérêt doit maintenant céder le pas au choix définitif. Et devant ce choix, je me demande sincèrement sur lequel des deux candidats se reporteront la majorité des votes des minorités françaises et particulièrement ceux des Afro français.

            En politique intérieure, le passé africain de Ségolène Royal n’est nullement un atout avantageux pour elle. Les noirs et les autres minorités savent qu’elle ne leur apportera rien de nouveau. Ses propos sur la diversité des citoyens français restent vagues et ne sont point accompagnés de propositions concrètes pouvant retenir notre attention. Elle est restée et reste sourde aux propositions du CRAN (Conseil Représentatifs des Associations Noires) notamment sur 1) la création d’un corps des inspecteurs des discriminations ; 2) l’attribution préférentielle des marchés publics aux entreprises dirigées par des minorités ou embauchant plus de 50 % de personnels issus des minorités ; 3) la mise en place d’internats de réussite éducative ; 4) le versement d’une prime d’éloignement aux ressortissants des DOM travaillant en métropole, à l’instar de celle versée aux métropolitains travaillant dans les DOM.   

            Par contre, si Nicolas Sarkozy n’a pas donné de réponses à ces différentes propositions, il a pour les minorités françaises un projet clair et net connu de tous : la discrimination positive ! Ce n’est certes pas une proposition qui aura l’effet d’un miracle, mais elle aura l’avantage d’être essayée. Cette mesure permettra à la France de rejoindre enfin les Etats-Unis, l’Angleterre et le Brésil qui vient récemment de choisir cette solution contre les discriminations. Avant Sarkozy, aucun parti politique, aucun homme politique n’a pris de résolution franche en vue de rendre visible les minorités françaises dans les administrations et dans les appareils politiques. Déjà, son comité de soutien ou de campagne est pourvu d’un grand nombre de jeunes issus des minorités noire et arabe. Aux Antilles, il n’a pas dépêché des blancs métropolitains pour diriger sa campagne ; il a confié cette tâche à ceux qui sont originaires de ces régions.

            Malheureusement pour Nicolas Sarkozy, certaines de ses idées et ses méthodes brutales font peur. Son déterminisme biologique inquiète. Il pense, comme nombreux de ses amis à droite et à l’extrême droite, que l’on naît génétiquement bon ou mauvais ; que certaines personnes naissent avec des gènes qui les portent à mal agir. << Il pense que nous naissons bons ou mauvais et que quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse, tout est déjà réglé par nature. >> (Michel Onfray, in Nouvel Observateur du 26 avril au 2 mai). Nous avons tous été émus par les propos droitistes sur les mauvais gènes des jeunes des banlieues ou des enfants violents des classes maternelles ; ce qui faisait penser au besoin de stérilisation de certaines familles d’immigrés afin d’épurer la population française. Pour lui donc, l’attitude négative des jeunes vis à vis de l’état n’a aune relation avec leur misère sociale : le chômage massif et la pauvreté des familles, la discrimination… Pour lui, certains sont nés bons et excellents, d’autres méchant et mauvais. Rien ne sert de chercher à aller contre cela. Il suffit de maintenir les choses en place par la force et la brutalité si nécessaire.          

En politique extérieure, Nicolas Sarkozy ne fera absolument rien de nouveau pour l’Afrique. Il reprendra purement et simplement en main le système d’exploitation Françafrique qui rend opaques les relations entre les gouvernants africains et l’Elysée tuant ainsi les espoirs d’indépendance économique des jeunes Africains. Lors d’un récent séjour privé en France, le Président Bongo avait reçu la visite de Sarkozy afin de s’assurer de la pérennité du système dont il est l’un des maillons forts. La Côte d’Ivoire pourrait ainsi revoir les rebelles et Alassane Ouattara, l’ami de Sarkozy, regonflés à bloc pour éloigner les espoirs d’une paix civile dans ce pays. Pour Sarkozy, comme pour George Bush, le monde doit être gouverné par les systèmes financiers. Et ce système doit s’appuyer sur quelques individus à travers le monde.

            Avec Ségolène Royal, certains dirigeants africains, sûrs jusque là du soutien sans faille de Paris,  – parce qu’ils font ce que celui-ci leur demande – commenceront à trembler. En effet, Si les socialistes n’ont pas démantelé le système Françafrique sous François Mitterrand, ils nous ont permis d’en saisir le caractère financier occulte. A l’époque, le système a beaucoup vacillé avec l’affaire ELF ; et on peut espérer que Ségolène Royal le laissera mourir de sa propre mort. Les régimes africains pourraient ainsi évoluer vers plus de transparence et plus de responsabilité.

            J’ose donc espérer que les minorités françaises, et surtout les Afro français, sauront aller au-delà des gesticulations tentatrices pour sauver les principes humains qui s’opposent au mépris de l’homme.

Raphaël ADJOBI

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21 avril 2007

Parlons des devises des Nations

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           Des devises des nations

 

 

            C’est parce qu’ils vivent dans un univers où les droits de l’homme ne sont pas respectés que des hommes se dressent pour rappeler ce qui doit être. C’est parce qu’ils vivent sur une terre où la liberté, l’égalité, et la fraternité n’existent pas que les Français se sont fixé cet idéal à atteindre. Il en est de même des Ivoiriens qui se sont fixé comme objectif l’Union, la Discipline et le Travail, parce que leur terre ne connaît ni l’unité des ethnies, ni la discipline et le travail en commun.   

 

            Parler donc de pays des droits de l’homme signifie tout simplement parler du pays où l’on fait peu cas du droit de l’individu au point où l’on s’oblige à travailler pour rectifier son comportement. Les devises des nations ne sont donc que l’expression de leur carence, la reconnaissance d’une faiblesse profonde en quelque domaine. Par conséquent, il est bon que les nations choisissent des devises qui appellent des actes concrets - et non point des idées abstraites - afin d’avoir plus de chance de s’en approcher.

 

            Que la France se dise en toute circonstance : l’égalité est mère de la liberté et de la fraternité. Il reste donc bien entendu que tant qu’elle continuera à étouffer ses minorités afin de les rendre invisibles dans les paysages politique et administratif, elle ne pourra établir la liberté pour chacun de ses citoyens et la fraternité pour tous.

 

Raphaël ADJOBI ( Réflexions du 2/07/06/ et du 5/01/07)

12 avril 2007

Pourquoi Hitler admirait Napoléon

      Pourquoi Hitler admirait Napoléon

 

                                                                                                                                                                                   Raph_31_Mars_07

 

            L’amour des Français pour Napoléon est bien connu. Différents sondages le place parmi les personnalités historiques qu’ils préfèrent. Depuis plus d’un siècle, les historiens de la République et les hommes politiques n’ont de cesse de le glorifier contribuant ainsi  à le populariser. 

            Mais depuis quatre ou cinq ans, la belle machine de propagande semble manquer d’entrain. Tout le monde sait que pour la grandeur de la France – et aussi pour sa gloire personnelle – Napoléon s’était lancé avec violence dans la conquête de l’Europe. Mais aujourd’hui, plusieurs pays européens - notamment l’Espagne qui a souffert des massacres napoléoniens - se permettent de le rappeler aux français. Ainsi, de temps à autre, certains Allemands ne se privent pas de signaler à la France que Napoléon est un dictateur au même titre que Hitler. Aux français qui leur reprochent de célébrer la grandeur historique de leur dictateur, les groupuscules allemands nostalgiques du Führer répondent qu’ils ont Hitler et les Français Napoléon. Quelle injure ! Et les Espagnols n’oublient pas que leur guerre d’indépendance fut livrée contre Napoléon qui voulait installer son grand frère sur le trône d’Espagne. Chez eux, la toile de Goya, Tres de Mayo, qui relate la boucherie napoléonienne à Madrid est aussi célèbre que Guernica de Picasso.    

            Voilà donc Napoléon de plus en plus controversé au moment où l’Europe recherche plus de cohésion et des idéaux à partager.   

            Cependant, il me semble que ce n’est point le rapprochement de l’expansionnisme et la volonté de puissance de Napoléon de ceux de Hitler qui met le plus mal à l’aise historiens et hommes politiques français. S’il est vrai que les autres Européens se permettent sans ménagement de dire aux Français que leur idole est un dictateur sanguinaire comme tout autre, il me semble que le plus beau coup porté au petit homme vient surtout d’un courageux fils de la France. En effet, avec la publication de son livre Le Crime de Napoléon, Claude Ribble a révélé à la face de la France ce que tous les historiens et hommes politiques de l’hexagone ont caché au peuple depuis toujours. Désormais, le commun des français commence à se poser des questions. Grâce à Claude Ribble, les Français commencent à se demander si les Allemands n’ont pas raison de leur dire qu’ils doivent aussi avoir honte de leur dictateur. 

 

Napoléon le bourreau des noirs inspire Hitler

En effet, avant Hitler, Napoléon a commis l’impardonnable. Franchement, que resterait-il aujourd’hui de la renommée de Hitler et de l’histoire même de la seconde guerre mondiale si celle-ci s’était limitée à des tueries sur les différents fronts ? Je crois sincèrement que très vite les romans et les manuels d’histoire en auraient fait le tour, et l’opinion publique les aurait déjà classées comme un objet du passé qui ne doit pas interférer dans le présent. Mais si cette guerre et son acteur principal restent très vivants aujourd’hui encore dans la mémoire collective, c’est parce que des hommes, des femmes et des enfants ont été convoyés dans des lieux précis pour être gazés, pour connaître en masse une mort certaine. Cette guerre reste un événement affreux dans l’histoire de l’Humanité parce que des hommes, des femmes et des enfants ont été victimes d’un « programme » établi par les autorités supérieures d’une armée d’état. Et c’est véritablement le fait essentiel qui reste collé à Hitler comme un crime impardonnable.

Dès lors, on peut dire que, si Hitler était un fervent admirateur de Napoléon, ce n’était point pour son expédition en Egypte ni pour le code civil français dont il aurait été l’inspirateur, ni pour le charme des couleurs vives de l’uniforme de son armée. Son admiration pour Napoléon tient à son génie d’avoir inventé les chambres à gaz en Haïti et en Guadeloupe. Cette planification de la mort infligée aux noirs, et rapportée dans de nombreux récits des contemporains du petit dictateur, a séduit Hitler. Celui-ci tenait là, dans cette invention simple et radicale, la clef finale de son combat contre des gens qu’il n’aimait pas mais qui ne portaient pas des armes pour lui offrir le plaisir de les défaire. Napoléon Bonaparte est donc de ce point de vue le père spirituel de Hitler. D’ailleurs, en 1940, le Führer  est venu méditer longuement sur la tombe de son idole à Paris, aux invalides. Il a même poussé le zèle jusqu’à y faire inhumer, la même année, le fils de Napoléon, François Bonaparte (connu sous le nom de Napoléon II, « l’aiglon ») comme cadeau à la France.   

Mais combien de Français, combien d’Africains savent-ils cela ? Depuis toujours, les historiens français nous ont fait croire que c’est la volonté de puissance et les conquêtes de Napoléon qui ont séduit Hitler. Il m’a fallu lire le livre de Claude Ribbe pour  comprendre que cette admiration reposait sur l’invention d’une méthode diabolique ignorée jusqu’alors : confiner des hommes, des femmes et des enfants dans un espace et les asphyxier. Comme dirait Christophe Colomb, « c’est simple, mais il fallait y penser. »  

 

Raphaël ADJOBI

7 avril 2007

Le Crime de Napoléon de Claude Ribbe

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         Le crime de Napoléon

 

 

            Ce livre est le fruit d’un excellent travail de recherches. Il est tout simplement bien documenté ! On ne peut qu’être reconnaissant à l’auteur, Claude Ribbe, d’avoir consacré un temps précieux de sa vie à lever le voile sur un mensonge de la république française. Tous les historiens français, versés dans l’apologie de Napoléon qui a fait des émules au XXè siècle, ne peuvent que baisser la tête de honte. Ils ne méritent pas le respect des enfants de la République qu’ils ont bernés pendant des décennies dans le seul but de faire de cet homme un objet de gloire pour la France.

 

            Il est certain que d’une façon générale, les historiens français se réfèrent aux témoignages des contemporains de Napoléon dont les écrits ne peuvent que servir sa gloire négligeant ceux qui peuvent lui porter préjudice. Ils seraient des historiens intègres qu’ils auraient présenté les différents visages de l’histoire du petit dictateur. Comme ils ne l’ont pas fait, il était nécessaire que quelqu’un le fît et toujours à travers les écrits de ses contemporains. Puisque certains ont choisi de ne retenir que ce qui lui confère gloire et beauté, d’autres comme Claude Ribbe veulent montrer les aspects de ses actions qui l’avilissent et le réduisent au rang des ignobles que l’histoire montre du doigt depuis toujours.

 

            Il est bon que les Français sachent enfin que les écrits sur le génocide  perpétré par la France en Haïti et en Guadeloupe existent. Cependant, si le peuple ignore cette page infamante de son passé, c’est tout simplement parce qu’il a de talentueux historiens qui savent zigzaguer dans les événements de l’histoire afin de ne lui procurer que l’encens qui fleure bon la douce France. Les ignobles ! C’est tout naturellement le cri qui sort de mon cœur après avoir lu Le Crime de Napoléon de Claude Ribbe. Je suis tenté de m’écrier avec le Colonel Malenfant (1814) : « Quelle honte pour la France et pour B… ! » (Bonaparte).

 

Raphaël ADJOBI

 

18 mars 2007

L'esclavage dans Beloved de Toni Morrison

                  De l’esclavage à la torture gratuite

 

                                                                                                                                                                                Raph_sans_c_cile

 

            Ce que les noirs ont vécu dans certaines contrées du nouveau monde où ils ont été transportés ne peut pas s’appeler de l’esclavage mais tout simplement de la torture gratuite. Les traitements dont ils ont été les victimes ne leur étaient pas infligés pour obtenir de meilleurs rendements dans les travaux qu’ils effectuaient. En d’autres termes, le sort qui les frappait n’était pas celui de l’exploitation gratuite par le travail qui est le propre même de l’esclavage. 

Forcer deux êtres à faire l’amour et surveiller la gestation de ce coït jusqu’à son terme pour s’approprier l’enfant et le vendre comme un bien quelconque dépasse toutes les pratiques esclavagistes communément admises. D’autre part, il faut avoir perdu le sens de l’humanité pour ligoter un homme et le jeter vivant dans les flammes et se faire prendre en photo le sourire aux lèvres à côté de ses propres enfants pendant que la pauvre victime crie à la mort. Est-ce encore de l’esclavage cela ? 

            Chose ahurissante : après avoir déplacé des millions de noirs dans le nouveau monde dans le but de les soumettre en esclavage pour en tirer un bénéfice financier, les blancs sont bientôt devenus allérgiques à leur présence sur cet immense territoire. On réffléchit alors dans de nombreux cercles à la manière de se débarrasser d’eux. On vide certaines villes de la population noire que l’on parque loin de la communauté blanche. Des organisations de quartier, des groupes d’amis, des associations anti-noirs organisent des mises à mort en toute impunité. On se fait photographier avec ses victimes fumant sur un bûcher sommaire. On organise des pendaisons de noirs pour bien terminer le dimanche ou pour fêter une bonne récolte. Organiser une chasse aux nègres et jouir du plaisir de voir ses chiens mordre à pleines dents la chair frétillante des malheureux est un plaisir que l’on s’ogffrait régulièrement dans les campagnes des Etats-Unis. Il est certain que ces agissements ne s’inscrivent pas dans ce que l’on appelle l’esclavage. C’est une invention des blancs pour se débarrasser de ces noirs dont ils ont tiré profit mais qui sont devenus trop encombrants parce qu’ils détonnent dans le beau paysage de leur nouvelle nation. Longtemps, on a fait circuler l’information selon laquelle le KU KUX Klan était la seule organisation blanche a pratiquer la mise à mort des noirs. Aujourd’hui, le monde entier peut découvrir à travers des cartes postales que - outre l’œuvre des 84 factions du KKK dispersés sur tout le territoire des Etats-Unis - ces lynchages étaient le fait de gropuscules sans nom, des gens désieurx de s’offrir une partie de plaisir.

            Je suis tout honteux de découvrir seulement en 2007 une telle vérité historique touchant les noirs. Cette découverte me permet de saluer l’avènement d’Internet qui est pour moi la plus grande bibliothèque du monde.      

            

Site à visiter pour voir en cartes postales les sévices infligés aux noirs, jusqu’en 1961, aux Etats-Unis : http://les.traitesnegrieres.free.fr/index2.html (cliquer sur « illustration )

 

 

Je présente ici une liste de quelques sévices infligés aux esclaves que j’ai relevés dans Beloved de Toni Morrison.

 

                  Beloved ou le vrai visage de l’esclavage

 

 

1. Être fouetté sans broncher par des gamins blancs de dix ans (page 193)

2. Être prisonnière d’une famille pour servir de divertissement sexuel (p.193-195). Jouir impunément de la puberté des négresses est l’un des grands plaisirs que s’offraient les maîtres blancs (p.353).

3. Les enfants étaient enlevés à leur mère et vendus vers 9 ou 10 ans. Cela revenait moins cher que d’acheter des esclaves adultes (195-196). Ainsi, rarement les enfants connaissaient leurs grands-parents.

4. Les maîtres blancs accouplaient de force les esclaves bien battis afin d’obtenir des enfants sains et robustes pour les travaux des champs ou pour la vente (p.315). Les fermiers faisaient de leurs « garçons » des reproducteurs, des « étalons » dont ils louaient les saillies à d’autres fermes (p.135-136 ; 198 ; 315)

5. Le viol des négresses était monnaie courante. Et souvent de ces unions violentes naissaient des enfants (p.198) auxquels certaines mères préféraient donner la mort.

6. Un métier très lucratif : chasseur d’esclaves. Les tentatives de fuite étaient très courantes.

8. Les esclaves étaient tenu d’avoir autant d’enfants que le désiraient leur maître (p. 291).

9. De temps à autres, une famille en difficulté financière vendait un esclave pour pouvoir continuer à faire tourner la maison (p.274).

10. Les esclaves qui avaient de nouveaux-nés donnaient leur lait aux bébés blancs. ; soit elles les allaitaient, soient elles livraient leur lait. Bien souvent les mamans esclaves manquaient de lait pour leur propre enfant.

11. Les jeunes mères ne bénéficiaient presque jamais de l’expérience de leurs aînées car souvent la jeune mère était loin de sa propre mère qu’elle finissait par ne jamais voir (p.224). Ainsi, la transmission des savoir-faire des noirs était impossible. 

12. Les lynchages étaient des amusements réguliers des blancs : 87 en 1874 dans le seul état du Kentucky ; soit plus de 7 lynchages par mois, environ 2 lynchages par semaine dans ce seul état. 

13. Régulièrement, on épurait les villes des noirs.

14. Les écoles des noirs étaient régulièrement brûlées avec les enfants à l’intérieurs (p.250-251 ; 345-350)

15. Souvent, pour punir un esclave, on plaçait un mors dans sa bouche de manière à l’empêcher de parler, de crier ou de communiquer avec quiconque (voir image ci-dessous / h)

 

Raphël ADJOBI 

 

Instruments de torture / http://les.traitesnegrieres.free.fr/index2.html / h : muselière avec mors.

Esclavage_torture

 

1 mars 2007

Beloved de Toni Morrison

Beloved_de_Toni_Morisson

                         Beloved

 

                 l’histoire d’un amour déchirant

                                     ou

  Un documentaire sur les sévices de l’esclavage ?

                                                                  

            Nous avons tous découvert dans des manuels d’histoire des planches représentant des navires de négriers montrant les conditions de vie des esclaves à bord. Nous avons tous lu ça et là le nombre élevé d’esclaves morts jetés dans l’océan durant les traversées. Des scènes de noirs travaillant dans des champs sous le commandement de leurs maîtres blancs nous sont également familières. Enfin, nous avons tous vu des images de nègres fouettés et ruisselants de sang dans quelque manuel d’histoire. Eh bien ! avec Beloved, vous allez découvrir que l’esclavage ne se limitait pas seulement à l’achat et à la vente des noirs et à leur réduction en bétail travaillant durement dans des champs avec les aléas liés à ces états de fait. Ce livre se propose de vous tenir par la main et vous faire vivre chaque instant de l’âme d’une esclave. Ce récit est très loin de ceux écrits par les historiens européens qui inondent les bibliothèques et qui font autorité parce que synonyme de vérité. Ici c’est le regard de l’esclave porté sur sa propre âme qui vous fait parcourir les étapes douloureuses d’une vie qui ne dépend pas de lui.

 

            Jamais, en effet, l’univers des esclaves dans le nouveau monde n’a été peint avec autant de délicate crudité. Jamais les documents que vous avez pu lire sur l’esclavage ne vous ont peint avec justesse les sentiments des esclaves : comment ils vivaient leur sentiment amoureux, leur sexualité, l’éducation de leurs enfants, etc. Ce livre m’apparaît donc à la fois comme un documentaire sur les sévices de l’esclavage et un roman qui peint la voix de l’âme noire criant son humanité à l’adresse de son tortionnaire blanc. A travers l’histoire du fantôme d’une fillette à qui sa mère esclave a donné la mort pour lui éviter de tomber sous le joug de son maître, c’est toute l’histoire de l’inhumanité de l’esclavage que Toni Morrison nous met sous les yeux. Après la lecture de ce roman, jamais vous ne parlerez de la traite des noirs avec légèreté.                       

            Si la lecture à 16 ans de Pleure ô pays bien-aimé d’Alan Paton m’avait bouleversé en me découvrant le visage de la discrimination raciale en Afrique du sud, Beloved m’a fait connaître la réalité des sévices qui constituaient l’esclavage dans le nouveau monde. C’était absolument une pratique nouvelle qui n’avait rien à voir avec la forme traditionnelle de l’esclavage pratiquée jusque là en Afrique, en Europe, en Asie, et qui avait pour seule fin l’exploitation de l’autre, en d’autres termes la jouissance gratuite du fruit du travail de l’autre. C’est donc un visage inconnu ou ignoré de l’esclavage que ce livre nous découvre.            

Lors d’un entretien sur la chaîne de la radio française France Inter, le 10 novembre 2006, Toni Morrison a dit clairement, et avec raison, qu’il n’appartient pas aux anciens colonisateurs d’écrire l’histoire des anciens colonisés. L’ancien colonisateur s’est approprié ce droit, mais il appartient aux anciens colonisés de le lui arracher, et s’il le faut sous la forme de la rébellion ou de la désobéissance. Il faut, dit-elle, saboter les écrits du conquérant. Aussi, je me réjouis de l’engagement de ces noirs passionnés de l’histoire nègre tels que le Français d’origine antillaise Claude Ribbe, le Béninois Dieudonné Gammankou, et l’Américain Runoko Rashidi. C’est j’en suis sûr, grâce à des recherches comme les leurs que demain le vrai passé des noirs sera inscrit dans les manuels d’histoire et y occupera la place qui lui revient. 

                                                                                        Toni_Morrisson

            Que l’on ne perde pas de vue que toutes les recherches menées par les Européens ont toujours minimisé l’importance des découvertes qui soulignent la gloire passée des noirs. Intentionnellement, historiens et chercheurs européens ont entretenu dans l’esprit du monde que le passé des noirs commence avec leur mise en esclavage. Aucun manuel d’histoire n’enseigne la gloire puis la disparition des civilisations nègres en Afrique, en Asie et en Amérique des millénaires avant la mise en esclavage des noirs d’Afrique. Et pourtant, les vestiges de leur passée millénaire existent. Ainsi les têtes négroïdes d’immenses statues découvertes en Asie, n’ont jamais laissé supposer aux chercheurs et historiens européens que des noirs auraient pu avoir vécu sur cette partie du monde plusieurs milliers d’années avant les peuples actuels.

    

            Retenons donc que les recherches sur le passé du peuple noir ne font que commencer. La vérité de leur histoire ne viendra que des noirs eux-mêmes. Désormais, ce sont les historiens noirs qu’il faudra lire quand vous voudrez apprendre l’histoire du peuple noir. Que les blancs qui se sont approprié le droit de parler d’eux sachent que c’est faire beaucoup de tort aux autres que de toujours penser et parler à leur place, et souvent même sans les regarder ; c’est sans doute la meilleure façon de s’éloigner d’eux. 

 

Raphaël ADJOBI

 

Titre : Beloved

Auteur : Toni Morrison

Edition : 10/18

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