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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
26 décembre 2007

La mémoire et l'histoire

                               La mémoire et l’histoire

 

 Deux histoires de mémoire qui osent enfin se révéler l’une comme une valise secrète que l’on finit par ouvrir un jour, et l’autre comme un oignon qu’on épluche. Telles sont les deux expériences qui viennent d’étoffer les interrogations sur la nécessité ou non de combler les pointillés (1), ou les trous béants de l’histoire de France.

 Günter Grass, sans doute l’auteur Allemand le plus sollicité et le plus écouté dans son pays, vient, à 79 ans, dans son autobiographie Pelures d’Oignon (En épluchant les oignons) de révéler son passé nazi. Il avoue qu’à 17 ans, séduit par Hitler, il s’est engagé volontairement dans les Waffen SS. En Allemagne, il semble que c’est une volée de bois vert qui a accueilli ses aveux tardifs de l’écrivain nobelisé. C’est donc un véritable malaise qui s’est installé dans ce pays depuis que l’auteur a fait cette révélation un mois avant la parution de son livre en septembre 2007 dans son pays.  

 Le dimanche 2 décembre, dans l’émission 7 à 8 de la première chaîne de télévision française, on nous présenta un Australien d’origine juive qui aurait servi de mascotte à l’armée allemande durant la deuxième grande guerre. Sauvé de la mort par un soldat Allemand qui le présenta à ses camarades d’armes comme un orphelin russe, le miraculé a attendu d’être un vieil homme pour avouer à son fils comment il a servi de fer de lance de la propagande à l’adresse de la jeunesse hitlérienne. Et effectivement on a retrouvé et diffusé ces images du jeune homme blond adulé par tous que l’on présentait comme le type allemand par excellence. 

 Pour ma part, je ne me joins pas aux cris de ceux qui réclament à Günter Grass de rendre son prix Nobel ; et je ne crierai pas non plus « salaud » au vieil Australien. On ne peut en vouloir ni à Günter Grass, ni au vieil Australien d’avoir pris la décision de révéler une page sombre de leur histoire personnelle. Bien au contraire, je ne peux qu’applaudir ce courage qui permet aussi aux victimes de dire au monde entier que leurs souffrances n’étaient pas imaginaires.

 J’ose espérer que les aveux que des individus sont capables de faire pourront servir de leçon à une grande nation comme

la France

qui se refuse pour l’heure à faire preuve d’humilité. On ne peut pas demander aux peuples qui ont subi les travaux forcés, le pillage de leurs arts et richesses de toutes sortes, qui ont souffert les humiliations quotidiennes de se contenter de la «  reconnaissance du caractère injuste de la colonisation » (Nicolas Sarkozy, le 3 décembre 2007 en Algérie) tout en affirmant et en donnant comme consigne d’enseignement, la recherche et la valorisation des « caractères positifs de la colonisation. »

 Le courage de dire et d’assumer son passé ne doit pas appartenir seulement aux individus. Il doit être aussi la marque des nations. Et c’est sans doute à cela que l’on reconnaît les Grandes !  Et si

la France

ne veut pas reconnaître et assumer son passé, qu’elle cesse au moins de polir son image coloniale. Elle a beau se laver les mains à la manière de Ponce Pilate, le sang des colonisés la hantera jusqu’à ce qu’elle en soit exorcisée par des aveux, via les archives, qui viendront combler les lacunes de notre histoire commune.  

 

(1) : J’emprunte cette expression à un auditeur d’une radio française qui a voulu signifier par ces termes l’absence de recherches sur certains événements ayant marqué

la France

; ce qui fait apparaître l’histoire de France comme faite de trous ou de vides consciemment entretenus.      

 

Raphaël ADJOBI

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