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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
9 juillet 2012

La chicotte, l'emblème de la colonisation

         La chicotte, l'emblème de la colonisation

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            Le mot "chicotte" désigne un fouet singulier beaucoup plus connu sous les tropiques qu'en Europe. Tel l'étendard que l'on brandit pour montrer sa fierté et son pouvoir de domination, voici la fabuleuse histoire de la chicotte, véritable emblème de la colonisation de l'Afrique et des Amériques. 

            Qui donc a eu l'idée d'inventer ce fouet terrible capable de vous déchirer la peau pour ensuite vous laisser d'horribles cicatrices indélébiles ? « Qui avait inventé cet instrument délicat, maniable et efficace, pour exciter, effrayer et châtier l'indolence, la maladresse ou la stupidité de ces bipèdes couleur d'ébène qui n'arrivaient jamais à faire les choses comme les colons les attendaient d'eux, que ce soit les travaux des champs, la fourniture de manioc, de viande d'antilope ou de cochon sauvage et autres aliments assignés à chaque hameau ou famille, ou que ce soit la levée des impôts pour financer les travaux publics entrepris par le gouvernent ? » (1)

            Un génie, celui-là ! Car la "chicotte" dépasse en efficacité du coup de fusil ou la machette qui vous prive d'un esclave. Le bâton est peu maniable. Les lianes sont capricieuses parce qu'elles éclatent et finissent par se casser en menus morceaux. La chicotte, non ! Son « inventeur, disait-on, avait été un capitaine de la force publique nommé Chicot, un Belge de la première vague [au Congo], un homme pratique, à l'évidence, et imaginatif, doté d'un sens aigu de l'observation, pour avoir remarqué avant tout le monde que de la peau très dure de l'hippopotame on pouvait fabriquer un fouet plus résistant et pernicieux que des boyaux de cheval et de félin, une corde sarmenteuse capable de produire plus de brûlure, de sang, de cicatrices et de douleur que n'importe quel autre fouet et, en même temps, légère et fonctionnelle car, nouée à un petit manche de bois, les contremaîtres, gardiens, soldats, geôliers ou chefs d'équipe pouvaient l'enrouler à leur ceinture ou la suspendre à l'épaule, sans presque se rendre compte qu'ils l'avaient sur eux tant la chose pesait peu » (2).

            Je parie que vous tremblez de frayeur en imaginant la silhouette d'un de ces porteurs de chicotte avancer vers vous. Mais continuez la lecture, sinon c'est moi qui vais vous chicoter ! 

            Bien sûr, « sa seule présence chez les membres de la Force publique produisait un effet d'intimidation : les yeux des Noirs, des Négresses et des Négrillons s'agrandissaient quand ils la reconnaissaient, le blanc, dans leur visage d'encre ou bleuté, en étincelait d'effroi à imaginer qu'à la moindre erreur ou faute, au moindre faux pas, la chicotte cinglerait l'air de son sifflement caractéristique et tomberait sur leurs jambes, leurs fesses et leur dos, en les faisant hurler » (3).

            Cet effroi dans les yeux, les nombreuses cicatrices sur le dos et sur les fesses, ce sont les marques visibles de la colonisation et de l'esclavage. Elles précèdent les mutilations.

(1), (2), (3) : Le rêve du Celte, édit. Gallimard (Mario Vargas Llosa).

 

Raphaël ADJOBI

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Commentaires
M
je suis horrifiée de voir que cette pratique d'asservissement colonial, soit encore non seulement pratiquée dans les écoles mais totalement avalisée par les africaines et africains de multiples pays sans aucunes références à l'histoire, sans aucunes remises en questions. j'unis ma voix à celle de patrice lumumba : "afrique, lève-toi !"
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S
La traite négrière et la colonisation de l'Afrique ont été faites dans la violence et non pas grâce à la docilité des Africains. <br /> <br /> <br /> <br /> Mon association, La France Noire va, le 10 mai prochain, commémorer l'abolition de l'esclavage en partenariat avec la mairie de Joigny (petite ville de Bourgogne dans le département de l'Yonne 89300). Une exposition sur la traite et l'esclavage des Noirs dans les Amériques sera présentée ce jour-là. Cette exposition mettra précisément l'accent sur les résistances africaines à la traite et la colonisation afin de souligner que la traite et la colonisation se sont faites dans la violence et non pas dans la docilité des africains.
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X
C'est bien par la terreur que l'homme blanc a colonisé le continent. Si les missiles Hot, les fasmas, les kalachnikov, les bombes à fragmentation au phosphore et au napalm ont remplacé la chicotte, l'objectif, lui, reste le même, le pillage du continent africain
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C
Merci pour cette information sur les origines de ce triste instrument. Cet instrument de torture, sans vouloir ressasser un passé un terrible, est quand même l'un des symboles de la transformation du nègre en bète de somme, plus qu'en bête de somme, car rarement on vu un âne, un boeuf ou un buffle se faire battre avec autant de facilité qu'on battait ces pauvres diables dépourvus d'âme.<br /> D'autre part, tu nous rappelle à quel point ce mot très présent chez les francophones d'Afrique est peu connu en France.
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O
Même si cela est anachronique (un peu), en pensant à cet instrument, je ne peux m'empêcher de voyager vers le film "Roots" avec le légendaire héros Kunta Kinté que les négriers et esclavagistes ont appelé de force Tobi.<br /> <br /> <br /> <br /> Je revois cette image où, attaché, il est fouetté (je dirais donc chicotté) pour qu'il renonce au nom de ses ancêtres, de ses racines, pour adopter celui de l'Occident, de ses maîtres.<br /> <br /> <br /> <br /> Ces images ne quitteront jamais mon esprit.<br /> <br /> <br /> <br /> @+, O.G.
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