Du cannibalisme
Du cannibalisme
Une mise au point s’impose dès lors que l’on entreprend de parler du cannibalisme. Il convient de balayer le préjugé qui fait de cette pratique une spécificité de l’Afrique, de l’Australie et des deux Amériques. Il faut l’affirmer tout net : c’est une pratique universelle ! A un moment ou à un autre, dans toutes les parties du monde – donc en Europe et ailleurs – les hommes ont été amenés à consommer de la chair humaine. Les guerres effroyables en Europe et les famines qui les ont accompagnées ont poussé les hommes, çà et là, à cette résolution. On peut croire aussi que dans de nombreuses contrées du monde ou de nombreuses civilisations, à des périodes de l'histoire humaine, cet usage a pu être un élément incontournable des rites mystiques.
Cela dit, si l’image des Africains cannibales a prospéré jusqu’à une époque récente, c'est bien dans l'histoire de ces peuples qu'il faut chercher l'explication. Aucun Blanc n’a vu des Africains tuer un être humain et le manger. Ce qui est par contre sûr, c’est que durant la traite atlantique, les négriers blancs nourrissaient les captifs noirs qu’ils transportaient vers le Nouveau Monde avec de la chair humaine. La raréfaction des vivres et les risques du voyage, écrit Lino Novas Calvo (Pedro Blanco, el negrero, 1933), obligeaient les cuisiniers à sacrifier des bien portants pour nourrir les autres captifs. Vous n’allez tout de même pas croire qu’ils nourrissaient quatre à cinq cents nègres avec du pain et du fromage pendant les quatre ou cinq semaines de traversée ? C’est clairement avec les récits des négriers que s’était propagée l’idée que les Noirs étaient des cannibales. Celle-ci a été ensuite entretenue grâce aux diverses expositions coloniales et les affiches vantant la passion des Noirs pour la chair humaine. Lors de ces expositions, on prenait soin de tenir certains Noirs dans des enclos pour bien faire croire au public blanc leur dangerosité.
Pour terminer, voici une information réjouissante : selon la revue Beaux Arts de septembre 2012, l'exposition "Exhibitions, l'invention du sauvage", projet emmené par le commissaire Lilian Thuram du 29 novembre 2011 au 3 juin 2012, fut l'exposition d'anthropologie la plus visitée depuis l'ouverture du musée du quai Branly. Durant les 152 jours d'exposition, il y eut 266 774 entrées ; soit 1755 entrées par jour. Beau succès donc pour ce projet !
Raphaël ADJOBI