La publicité, baromètre du racisme français
La publicité, baromètre du racisme français
La France blanche est-elle profondément raciste ? Oui, on peut le croire ! Au regard des messages publicitaires par lesquels les annonceurs s'adressent à elle, on peut répondre à cette question par l'affirmative. En effet, le monde de la publicité a cette particularité de bien étudier ce qui touche la fibre sensible du destinataire avant de lui délivrer le moindre message.
Pour vous le prouver, il me suffit de vous montrer que les politiques et les annonceurs s'adressent généralement à la population dans le langage qu'elle comprend. En d'autres termes, si le politique ou l'annonceur manie le langage raciste à l'adresse du public, c'est parce qu'il sait que celui-ci a les éléments culturels nécessaires pour le comprendre et l'accepter comme chose normale qui ne choque pas.
Prenons l'exemple de cet humoriste qui disait dans un de ses sketchs qu'il n'était pas raciste parce qu'il avait un disque de Sidney Bechet. Il ne faisait alors qu'exprimer la manière ordinaire des Français blancs de nier le racisme qui était en eux. Plusieurs décennies plus tard, en mars 2013, Nadine Morano justifiait l'absence de racisme en son coeur et en son âme de la même façon. "Je ne suis pas raciste, j'ai une amie tchadienne plus noire qu'une arabe", avait-elle fièrement clamé. A qui s'adressait-elle ? A ses compatriotes blancs, seuls capables de comprendre que ce discours vous lavait du soupçon d'être raciste. Quant aux Français noirs, coutumiers de ces propos racistes censés montrer que l'on ne l'est pas, ils n'osent plus s'en offusquer parce que leur indignation serait prise pour du racisme anti-blanc.
Une chose est sûre : en France, les politiques, les journalistes et les publicistes s'adressent spécifiquement aux Français blancs. Aussi s'appuient-ils particulièrement sur les présupposés culturels que ceux-ci ont bien intégrés, dans leur conscience ou leur subconscient. Démonstration !
Quand le Noir est présenté comme un mangeur de chair blanche, à qui s'adresse le publiciste ? Forcément aux Français blancs qui comprennent ce message ; message qui ne les choque pas parce qu'il est dans l'ordre des choses admises. Cela ne mérite aucun procès. D'ailleurs, beaucoup trouvent l'image amusante. Si un Noir s'en indigne, on dira qu'il fait du racisme anti-blanc.
D'autre part, quand les illustrations des magazines ou des articles des journaux évoquent les peuples d'Afrique, ceux-ci sont bien souvent présentés comme des pauvres affamés ou des sauvages. Cela répond bien à ce que pensent les Français blancs ; ou cela contribue à les entretenir dans l'idée qu'ils sont très évolués par rapport à cette catégorie de personnes. Et le Français noir n'a pas intérêt à en être chagriné ; il manifesterait du racisme anti-blanc.
Entretenir le racisme grâce à l'image du Noir assisté
et celle du Blanc supérieur volant à son secours
D'ailleurs, pour l'Afrique, que proposent les publicités, les associations, les politiques ? De l'aide ! Oui, de l'aide. Ils demandent aux populations françaises de les aider à aider l'Afrique, à aider les pauvres Africains qui ont grand besoin d'eux ; sinon, ils mourront tous. Cette indignation devant la pauvreté de quelques populations bien choisies n'est que la manifestation d'une bonne conscience visant à cacher un racisme institutionnalisé. Ils oublient en effet - ou feignent d'oublier - que ce sont les plantations africaines d'hévéa qui font travailler les usines de pneumatique en France. Combien d'emplois ? Ils refusent de voir que ce sont les métaux extraits du sous-sol africain qui font travailler les usines en France. Combien d'emplois ? Ils ne veulent pas penser que ce sont les fruits tropicaux (café, cacao...) et le pétrole africain qui permettent à bon nombre de sociétés françaises de tourner. Combien d'emplois ? Oui, l'action des sociétés privées françaises en Afrique génère des emplois dans le privé en France pour le grand bonheur de tous. Et gare au gouvernant africain qui aura le malheur d'envisager la transformation de ces matières premières sur place ! Il s'exposera à un coup d'état. On ne demande pas à l'Afrique de montrer le savoir-faire de ses cadres formés dans les universités européennes, mais de fournir à l'Europe des matières premières. C'est tout !
Pour l'Etat français comme pour les autres pays européens, les Africains doivent demeurer des éternels assistés, des abonnés au FMI et aux ONG, c'est-à-dire des abonnés à la soupe populaire. Il leur est difficile de concevoir que l'Afrique noire veuille jouer un autre rôle que celui qu'ils lui ont attribué. Et cela, c'est du racisme érigé en politique d'état.
Raphaël ADJOBI