La note américaine (David Grann)
La note américaine
(David Grann)
Ce roman de David Grann fait écho au bel essai de Ta-Nehisi Coates, le procès de l'Amérique, qui est un effrayant exposé des multiples techniques mises en place à travers le temps pour permettre la prédation contre les Noirs aspirant à vivre comme les citoyens blancs. La note américaine est en effet, pour sa part, la peinture d'une cynique organisation blanche prédatrice d'une communauté autochtone des Amériques.
Déplacée de force par le gouvernement fédéral dans les années 1870 du Kansas vers une réserve rocailleuse d'Oklahoma, censée être de moindre valeur, voici que la tribu Osage apprend bientôt qu'elle repose sur le plus grand gisement pétrolifère des Etats-Unis. Comme des mouches attirées par le miel, cow-boys, chercheurs d'or, contrebandiers, hommes d'affaires et magnats du pétrole accourent de partout. Et dès le début des années 1900, la tribu Osage est devenue «le peuple le plus riche par individu au monde». Quel Blanc américain peut supporter cela ? Pour favoriser la prédation de la tribu, la loi attribua un tuteur à tous les Indiens que le ministère de l'Intérieur jugeait «incompétents». Et tous les Indiens non métissés étaient jugés «incompétents» ! Ainsi, contrairement aux autres Américains prospères, non seulement les Osages ne pouvaient pas dépenser leur argent comme ils l'entendaient mais ils devenaient la proie de la cupidité des Blancs.
Bientôt, malgré leur qualité de vie largement au-dessus de la moyenne des Américains, le taux de mortalité des Osages va devenir le plus élevé du pays ! Et comme le système judiciaire américain - tout comme ses services de police - était gangrené par la corruption, les Osages ne cessaient de se demander avec raison à chaque procès si le jury composé exclusivement de Blancs considérait ses morts comme des meurtres ou simplement comme de la maltraitance envers des animaux.
La note américaine est l'histoire vraie de la tribu Osage décimée par l'avidité des Blancs au début du XXe siècle ; elle est racontée ici sous la forme d'une enquête policière laissant intacts, les sentiments et les passions apparemment tendres. Une peinture sociale qui révèle non seulement la politique d'extermination des Indiens - «chaque bison mort est un Indien en moins» - puis leur assimilation forcée, mais aussi les préjugés qui pèsent sur eux et en font les éternels victimes des Blancs. Ce récit montre aussi, dans un pays où les médias blancs ont tendance à transformer les crimes des leurs en épopée romantique, la difficile mise en place de la police fédérale qui va devenir le FBI.
Après Ta-Nehisi Coates, David Grann nous prouve ici que la note des crimes des Blancs dans le Nouveau Monde est vraiment bien salée.
Raphaël ADJOBI
Titre : La note américaine, 377 pages
Auteur : David Grann
Editeur : Pocket, 2019