Où sont passés les pharaons blancs ? (Raphaël ADJOBI)
Où sont passés les pharaons blancs ?
Depuis quelques années, nous assistons à un spectacle étonnant : plus nous avançons dans le XXIe siècle et plus les égyptologues sont nombreux à contester les affirmations péremptoires nourries par le racisme de leurs prédécesseurs ; affirmations enseignées à travers le monde assurant – par les manuels scolaires, les films et les livres pour enfants - que les Egyptiens avaient construit les pyramides en réduisant des peuples étrangers en esclavage. Aujourd'hui, tous les chercheurs sérieux du monde sont d'accord pour dire que tout cela n'était que mensonge. La revue française Historia de février 2020 vient d’ailleurs d’écrire que s’il y a une certitude, c’est bien celle-ci : l’Egypte ancienne ne connaissait pas l’esclavage ; et comme partout dans l’Afrique ancienne, il n’existait pas en Egypte de mot pour désigner l’esclavage (p. 22). La traite et l’esclavage sont des pratiques qui remontent à l’Antiquité européenne (Histoire des Blancs – Nell Irving Painter, Max Milo 2019) introduits en Afrique par les Arabes au VIIe siècle pour atteindre l’Afrique occidentale au XIIIe siècle. Avant le XIVe siècle, l’Europe ignorait qu’il y avait des hommes au sud du Sahara (cf. Atlas Catalan). Ce qui veut clairement dire qu’avant cette date, en Europe, les esclaves étaient presque tous blancs : «Les esclaves noirs sont une minorité dans le monde avant la traite atlantique» (Catherine Coquery-Vidrovitch – Historia, fev. 2020, p. 20).
Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est de voir tous les nouveaux égyptologues européens parler ouvertement de «pharaons noirs» ; expression reprise par Télérama dans sa publication du 11 janvier 2020 (voir image). Enfin, l’homme Blanc rapproche le mot « Pharaon » du mot « Noir » ! Mais en disant qu'il y a des «pharaons noirs» qui ont régné sur l'Egypte, Pierre Ancery (qui signe l’article) et le réalisateur du beau documentaire présenté par Arte cette semaine-là, laissent croire qu'il y avait aussi des pharaons blancs ! La question à laquelle ils doivent répondre est celle-ci : où sont les pharaons blancs ? Qu'ils nous montrent les pharaons blancs avec leur peuple blanc vivant en Egypte dans l'Antiquité. Qu'ils nous expliquent pourquoi des Blancs ont édifié des dieux noirs, comme le sphinx ?
Il faut dire que le documentaire Pyramide K2019, sorti en septembre 2019 et publié sur Internet depuis novembre 2019 a lancé un vrai défi à tous les prétendus Egyptologues blancs. Le réalisateur dit clairement que la demande de Cheik Anta Diop pour analyser scientifiquement les corps des pharaons n’a pas été satisfaite ; et cette analyse n’est toujours pas à l’ordre du jour parce que les Arabes, nouveaux occupant de l’Egypte, s’y opposent. Un jeune français, quelque peu globe-trotter, dont les vidéos ont été exploitées par le réalisateur de Pyramide K2019, bien que ne voulant pas remettre en doute la croyance en une Egypte blanche, assure à deux reprises - dans une vidéo qu’il nomme debriefing de K2019 – qu’en visitant le musée du Caire, on ne peut que croire en une Egypte ancienne nègre. Les propos de ce jeune homme m’ont surpris : comment peut-on accorder plus de crédit à ce que l’on raconte par rapport à ce l’on voit, à ce que l’on touche ? Comment peut-on mettre sur le même pied d’égalité le réel palpable et les racontars ? Il préfère demeurer dans les erreurs apprises que de se fier à la réalité qu'il voit et qu'il touche du doigt !
D’autres documentaires récents sur l’Egypte, disponibles sur Internet, laissent clairement comprendre que les égyptologues occidentaux - tel l’Américain George Reisner - qui ont procédé à des fouilles étaient tous des pilleurs de sarcophages pétris du racisme de leur époque. Ces documentaires assurent enfin que si les pyramides de Koush (Soudan actuel) ont les sommets explosés à coups de dynamite, c’est parce que les pilleurs européens croyaient qu’elles étaient conçues comme celles d’Egypte : c’est-à-dire que les plus belles pièces tombales étaient placées à leur sommet. Or, les pyramides de Koush, plus nombreuses et souvent plus anciennes, ont les tombes royales dans les profondeurs de la terre. Ce qui oblige les Egyptologues de ce XXIe siècle à faire parfois des plongées dans des tombeaux inondés par la montée des eaux.
Réjouissons-nous de l’émergence d’une nouvelles races d’Egyptologues et d’historiens qui travaillent sur le terrain sans oublier de regarder les populations africaines. Jusqu’ici, tous donnent raison à Cheick Anta Diop que très peu d’universitaires européens connaissent.
Terminons par cette précision : c’est dans la première moitié du XIXe siècle que l’anthropologue et racialiste américain Samuel George Morton (1799 – 1851) assura pour la première fois que la grandeur de l’Egypte ancienne est liée à la supériorité blanche. C’est lui qui voyait des perruques aux cheveux laineux que porteraient les anciens Egyptiens au-dessus de leurs vrais cheveux raides et de couleur claire. Morton pour qui le volume crânien permettait de prévoir les capacités intellectuelles de chaque race ne pouvait croire que les Pharaons soient des Noirs. Alors dans sa lancée, « il déclare que la forme du crâne des anciens Egyptiens – du moins ceux qui sont bien habillés et enterrés en grande pompe – est la même que celle de l’homme blanc moderne » (Nell Irving Painter – Histoire des Blancs, éd. Max Milo, 2019). Lui et ses admirateurs, tels l’Ecossais Knox et le Français Gobineau, trouvaient tout à fait cohérent qu’une race supérieure de Blancs portent des perruques aux cheveux crépus pour régner sur un peuple de Noirs de génération en génération. N’oublions pas non plus que Morton, Knox, Gobineau, Grant, Roosevelt, Emerson et bien d’autres ont divisé les Blancs en plusieurs races et ont placé la race « nordique » - parfois appelée saxonne – au-dessus de toutes les autres. Pour ce qui est de la France, Gobineau et Lapouge affirmaient que deux races occupaient la France : les aristocrates qui seraient des Nordiques et Aryens à tête allongée (dolichocéphales) et les paysans des Alpins à tête ronde (brachycéphales) ; les premiers descendraient des Francs, une race supérieure, et les seconds des gaulois, une race de vaincus (par les Romains) et donc inférieure.
Raphaël ADJOBI