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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
3 avril 2020

Demain, on décolonise l'Afrique francophone (Raphaël ADJOBI)

Demain, on décolonise l’Afrique francophone

                                              (Raphaël ADJOBI)

Députés burkinabés 3

          En 1943, le secrétaire d’État à la Marine et aux Colonies du gouvernement de Vichy était déjà convaincu du fait que «ce n’est que grâce à son empire colonial que la France peut prétendre retrouver, au lendemain de la guerre, sa place parmi les grandes nations» (in Prisonniers de guerre «indigènes», éd. La Découverte, Armelle Mabon). Cette vérité s’imposa à Charles de Gaulle à la libération. Il s’empressa donc de remettre en place les techniques anciennes qui assuraient à la France la dépendance de ses possessions d’outre-mer : favoriser dans les colonies la culture des denrées destinées à la consommation de la métropole ; exiger que les colonies vendent ces produits prioritairement à la métropole ; enfin interdire aux colonies de transformer leur matière première en produit fini, manufacturé (Histoire des colonies Françaises, 1860, par Just-Jean E. Roy). Dès 1946, le nouveau pouvoir va y ajouter un nouvel outil : une monnaie qui, en Europe, n’est reconnue que par la France (le franc CFA) et qui empêche aussi les Africains de commercer entre eux. Mais, avec les soldats coloniaux qui l’ont vue humiliée par l’Allemagne en 1940 et qui dès la fin de la guerre contestaient la poursuite de sa domination, la France a dû s’imposer une technique préalable : coloniser l’esprit des Africains en pratiquant ce qu’elle va appeler la contre-propagande !

                                                            Coloniser les esprits

          En effet, les revendications d’égalité des anciens combattants issus des colonies - liées à l’esprit de reconquête et de liberté qui régnait en métropole - constituent une menace aux yeux des autorités françaises. Or, leur souci est de maintenir l’ordre colonial inchangé. Elles commencent donc par accuser les soldats africains d’être les victimes de la propagande du Reich, au lieu de voir dans ces remous l’absence de reconnaissance. Pour la France, une nécessaire désintoxication psychique des prisonniers de 1940 s’impose (lettre du 23 décembre 1944 – id. in Prisonniers de guerre «indigènes», Armelle Mabon). La moindre de leur revendication était considérée comme de l’insubordination nourrie par la propagande nazie. Leurs exécutions à Thiaroye au Sénégal (1er décembre 1944), à Sétif en Algérie (mai 1945) et à Madagascar (mars 1947) témoignent de la volonté de la France de ne pas laisser émerger une conscience politique qui n’est pas la sienne et donc incompatible avec sa politique coloniale. Par la même occasion, elle travaille à mettre en place une équipe de fonctionnaires ayant «un attachement loyal» à son entreprise coloniale. La Constitution de la IVe république du 13 octobre 1946 définit clairement qu’il n’est pas question pour les colonies de «se gouverner» mais de «s’administrer». En d’autres termes, pour l’indépendance, elles peuvent attendre.

                                                         Décoloniser les esprits

         C’est alors que l’Afrique du Nord va montrer la voie de la décolonisation. Elle ne va pas s’attaquer directement au colonisateur mais à ceux qui servent d’intermédiaires entre leur pays et la France. «En règle générale tous les Algériens servant l’ennemi étaient des traîtres et méritaient la mort» (id.). On jette donc l’opprobre sur tous ceux qui représentent le lien avec la France honnie. Il est évident que les Algériens n’avaient pas oublié que, dans l’antique Israël, pour triompher des Romains, les sicaires s’étaient d’abord attaqué aux Juifs qui collaboraient avec eux. En terrorisant les «collabos», ils avaient peu à peu détruit les bases locales de l’ennemi et étaient parvenus à le faire chuter parce que devenu partout impopulaire. Oui, quiconque veut décoloniser un pays doit commencer par couper la main du colonisateur par laquelle il s’approprie ses biens ! C’est ainsi que l’Afrique du Nord est parvenue à installer des régimes qui n’ont aucune commune mesure avec ceux des pays francophones au sud du Sahara. Les pouvoirs, bons ou mauvais, n’ont aucun lien incestueux avec le pouvoir français depuis l’indépendance de ces pays.

Ouattara et les Blancs 2

         Il n’y a donc qu’en Afrique francophone au sud du Sahara où tout ce qui vient de France est considéré comme le bien à posséder ou le guide à suivre. Quand les gouvernants français présentent tel ou tel Africain comme un bon politique, un bon économiste, un bon avocat, tous ses compatriotes sont convaincus que c’est l’homme qu’il leur faut. Et parce qu’il s’agit presque toujours de quelqu’un qui n’est pas formé par l’école du pays, personne n’a sur place les outils pour l’évaluer. On comprend pourquoi tous les hommes politiques africains courent en Europe se faire photographier avec des personnalités blanches pour se constituer un book de présidentiable, comme des démarcheurs commerciaux pour aller vanter leurs produits chez des clients.

 

Guillaume Soro et D

          En se prêtant à la corruption, en allant jusqu’en Europe pour se chercher des corrupteurs, les Africains entretiennent la stratégie de tout colonisateur : choisir la personne la plus malléable parce que n’ayant pas d’assise véritable ; choisir celui qui aura besoin d’être soutenu financièrement et militairement pour s’imposer sur le terrain. Une fois installé, l’individu leur devient redevable et est obligé d’exécuter leurs volontés.

                                                                     Conclusion

          Il serait donc nécessaire que les africains francophones fassent leur la stratégie des sicaires juifs et des populations d’Afrique du Nord. Il leur faut à tout prix discréditer tous ceux qui seraient trop proches des hommes ou des cellules politiques parisiennes. Il leur faut jeter l’opprobre sur tous ceux qui ont été des instruments d’hommes d’affaires ou de systèmes financiers étrangers. De la même façon que la France remet systématiquement en question les diplômes étrangers et s’assurent que tout candidat chez elle s’adapte aux siens, les pays africains doivent imposer des règles à ceux qui veulent travailler chez eux afin d’avoir la preuve de leur attachement à la chose publique nationale. Pour qu’un tel contrôle soit crédible, il importe que les pays africains soient capables de former eux-mêmes leurs cadres dans l’esprit des institutions nationales, c’est-à-dire qu’ils puissent se donner les outils pour évaluer leurs cadres. On ne forme pas sans conséquence ses citoyens avec des manuels scolaires écrits et fabriqués par les Français. Par ailleurs, il est difficile de laisser la formation de ses médecins ainsi que le financement de ses chercheurs entre les mains des pays et des laboratoires étrangers, et s’étonner ensuite qu’ils se révèlent des répétiteurs et des usagers des produits étrangers qui ne sont pas forcément adaptés à l’Afrique. Il est absolument honteux de constater qu’après soixante ans de relative administration de leurs biens, les autorités africaines n’aient jamais songé à équiper leur pays d’un hôpital digne de soigner leurs dirigeants et soient réduites à solliciter l’aide du colonisateur pour une telle besogne. 

Conseil des ministres sénégalis 4

 

Raphaël ADJOBI

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