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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
19 avril 2020

Pourquoi la France de demain sera comme celle d'avant le confinement (Raphaël ADJOBI)

    Pourquoi la France de demain sera comme celle d’avant

                                   le confinement

Demain ne changera pas

          «Rien ne sera comme avant», entend-on dire çà et là ; ou encore, «il y aura un avant et un après le covid-19». A ceux à qui il est arrivé – durant cette période de confinement - de formuler à haute voix l’une ou l’autre de ces deux expressions ou même de les avoir pensées, nous disons ceci : ne confondons pas le travail d’introspection ou de réflexion relatif à notre vie, qui dépend de chacun de nous, et nos rêves d’une société meilleure qui dépendent de ceux qui nous gouvernent. Dans les deux cas, afin que ce qui est désiré ou souhaité ait de fortes chances de se réaliser, il faut commencer par changer notre manière d’agir. En d’autres termes, il faut absolument - individuellement ou collectivement - mettre en œuvre des actions différentes ou intensifier celles que nous menions déjà et que nous estimons convenir à notre objectif.

          Pour ce qui est précisément de l’attente d’une société meilleure, nous sommes certains qu’il n’y aura pas, en France, un «avant» et un «après» le coronavirus. Tout a été préparé pour que tout le monde rentre dans les rangs et que la vie reprenne comme avant. D’ailleurs, à écouter les différentes familles, c’est le retour à la normalité qui domine. Le reste relève du rêve dont peu de personnes sont prêtes à prendre la responsabilité de sa réalisation.

            Tout sera dans la manière dont fonctionnera le pouvoir 

          A la mi-mars, c’est de manière tout à fait verticale que la parole du président de la république nous a contraints au confinement. Et c’est encore de la même manière verticale que le lundi 12 avril cette parole nous a annoncé la progressive reprise de nos activités à partir du lundi 11 mai. Nous savons que dans les traditions mythologiques et chrétienne de l’Europe, c’est à l’homme - par opposition à la femme - qu’appartient le verbe, le logos, le commandement, «le goût vertical de la transcendance, de l’universel» (Olivia Gazalé – Le mythe de la virilité, éd. Robert Laffont, 2017). Malheureusement, les pouvoirs politiques européens sont calqués sur cette verticalité que la France nous inflige de manière singulière – grâce à la Ve République - à longueur de décennies malgré nos protestations : le sommet commande, la base obéit. Ainsi, il n’y a jamais eu de débat entre les représentants des populations et les gouvernants avant l’annonce du confinement et celle de sa sortie progressive.

          A la suite du président de la République, le ministre de l’Education nationale a annoncé au public les mesures ou les dispositions qui seront mises en place pour l’organisation du travail des enseignants et des élèves : petits groupes (?), masques (?) … Disons tout de suite que pour ce qui concerne la réalité des acteurs du terrain – les professeurs – le ministre n’a aucune maîtrise de leurs compétences et de leur inventivité dans les circonstances aussi exceptionnelles que l’entrée et la sortie progressive d’un confinement. A l’annonce du confinement, ce fut la débrouille pour les enseignants, les élèves et les parents. Le ministre avait affirmé avec assurance que les enseignements se feraient à distance via les ordinateurs, sans s’être assuré que toutes les familles de France disposaient de cet outil et le maîtrisaient ni même qu’elles n’avaient pas toutes la capacité de suivre le travail de leur progéniture. Quant au chiffre du nombre d’élèves qui ont pu suivre régulièrement et totalement, partiellement ou pas du tout l’enseignement de leurs professeurs, les données du ministre n’ont absolument rien à voir avec la réalité. C’est même une honte de l’entendre parler de ce qu’il n’a jamais maîtrisé. L’insondable inégalité de traitement que notre système éducatif inflige aux populations est désormais claire et incontestable ! Il est certain que la sortie progressive du confinement se fera aussi dans la débrouille, mais sûrement de façon encore plus douloureuse parce qu’elle étale déjà de manière très éclatante le manque de concertation entre la base et le sommet de la pyramide du pouvoir vertical. Les modalités de cette reprise qui arrivent à compte-goûte sur les ondes par la voix des différents intervenants dont les enseignants ignorent totalement les compétences et les pouvoirs administratifs ne cessent d’alimenter leurs questionnements. Dans tous les cas, les professeurs sont les vrais maîtres de notre enseignement. Les autres ne sont que des administratifs prétentieux.

                   La Ve République : une caricature de la démocratie

Reprise de la normalité 3

          A vrai dire, ce qu’il faut à la France pour sortir de ce mensonge entre le sommet qui croit avoir la maîtrise de toute chose et la base qui court dans tous les sens en interprétant l’écho de la parole verticale qui lui parvient, c’est un rapprochement pour un vrai partage des connaissances et une analyse précise de la réalité du terrain. Avant de donner une parole publique, le ministre doit avoir travaillé avec les enseignants afin d’avoir une idée de ce qui est envisageable. Malheureusement, avant l’annonce du confinement et de la progressive reprise, le ministre de l’Education nationale n’a visiblement pas eu l’idée de travailler avec les enseignants pour proposer des modalités de travail à peu près convenables.

          Cela revient à dire que tant que nos autorités n’auront pas compris qu’elles doivent changer leur méthode de nous diriger, notre société demeurera dans les difficultés qui nous font souffrir et nous poussent à gémir et à descendre dans les rues. Elles n’ont toujours pas compris que nous en avons assez de les voir se comporter comme des bergers et nous traiter comme des moutons dont les mouvements doivent suivre ceux de leur houlette ; des moutons évidemment jugés incapables de penser et d’agir par eux-mêmes. Il faudra sûrement que – dans notre très grande majorité – nous montrions enfin à nos autorités que nous n’avons pas besoin de bergers savants et que nos savoirs sont suffisants pour nous permettre de nous conduire de manière collégiale. Si nous voulons que notre société change, nous devons cesser de moutonner et le faire clairement savoir. Aujourd’hui, le fonctionnement de la Ve république apparaît clairement comme une caricature de la démocratie parce qu’elle repose sur les mouvements de lèvres d’un seul homme : le président de la république ou chacun de ses ministres.

Raphaël ADJOBI

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