Discours sur la fin du monde
De la fin du monde
(Réflexion)
Quand la lumière du soleil faiblira jusqu’à ne plus nous éclairer, en d’autres termes, quand Dieu éteindra sa lanterne ou lancera « que la nuit soit », les ténèbres s’ouvriront, les éléments échappés du vase d’athanor, comme des hirondelles à l’appel de la saison nouvelle, accourront et s’y précipiteront.
Nous continuerons ça et là à rallumer nos torches et à entretenir le feu des foyers. Le temps passant, nos yeux s’habitueront à la lumière artificielle. Des enfants naîtront et ne connaîtront d’autre lumière que celle de l’artifice des hommes, et leurs yeux se formeront au patron de celle-ci. Mais peu à peu, sans soleil, la vie sur terre commencera à prendre une autre tournure. Il ne sera point besoin de cultiver les champs. Du bétail sans cesse plongé dans l’obscurité naîtront des animaux sans yeux ; la nature ne pourvoyant que ce qui est nécessaire à la survie de chaque espèce.
Progressivement, l’homme se lassera de lutter contre le poids des ténèbres et laissera mourir sa science. Car il vivra la fin du soleil comme une grande infirmité, une paralysie mortelle.
De la nuit des temps à l’ère du soleil et retourner à la nuit des temps, voilà le parcours de l’homme et de notre monde. Le point de départ sera donc le point d’arrivée ; c’est un parcours qui va se refermer sur lui-même. Et pourtant nous avons le sentiment de courir en ligne droite. Ce n’est qu’une illusion parmi tant d’autres auxquelles nous a soumis la disproportion de notre nature par rapport à l’immensité du monde et à la singularité des lois de l’univers. N’est-il pas vrai qu’en quelque point du monde où l’homme se trouve, il a le sentiment d’avoir la tête en haut et les pieds en bas tout simplement parce que la terre est sous ses pieds et le ciel au-dessus de sa tête ? Mais ce sentiment n’empêche pas la terre d’être ronde et de soumettre par conséquent à ce qui se trouve au pôle Nord une posture différente à ce qui se trouve au pôle sud. C’est une vérité physique vérifiable par tous qui me permet d’affirmer que celui qui est sur le sommet d’une boule et celui qui est placé en dessous de cette même boule regardent le ciel dans des directions différentes.
Nos illusions, nos inquiétudes et parfois même notre affolement devant les changements qui surviennent sur notre planète ne s’inscrivent donc que dans l’ordre des choses naturelles. C’est dire que les artifices des hommes qui nuisent à ce doux habitat s’inscrivent dans la vie de cette planète. Avant l’homme, d’autres espèces y ont vécu et ont disparu sans doute aussi par leur bêtise : trop gourmands, excessifs consommateurs d’énergie… Mais seul le déclin du soleil sera le véritable moteur de la mort de la terre. Tous les autres bouleversements ne seront que des éléments participant à son ordinaire évolution.
Raphaël ADJOBI