Histoires de têtes noires coupées
Histoires de têtes noires coupées
Mon récent billet sur le livre de François-Xavier verschave (De la Françafrique à la Mafiafrique) était accompagné d’un détail agrandi de la photo de couverture que je reproduis ici. J’avais en effet été beaucoup intrigué par cette image : une tête de Noir trônant sur un pieu planté au milieu d’un groupe de quatre colons.
En fouillant dans mes souvenirs, je ne suis pas parvenu à retrouver des images ou des récits africains de «blancs coupeurs de tête ». Et pourtant je voyais sur cette photo de couverture la même scène de barbarie que celles abondamment publiées sur le net montrant les familles américaines blanches rôtissant des noirs et prenant fièrement la pause devant l’objectif du photographe pour la postérité. La barbarie des Français en Algérie, j’en ai entendu parler. Mais la luxuriante végétation derrière les quatre colons était la preuve que la scène ne s’est pas passée en Afrique du Nord.
Où donc les français blancs ont pu aussi fièrement se livrer à une telle barbarie qu’on ne prête qu’aux Blancs d’Amérique ? C’est en lisant le livre de Benoît Hopquin (Ces Noirs qui ont fait la France) que la vérité m’a éclaté au visage. Un petit passage du livre parle des chasseurs d’esclaves des îles françaises qui avaient leur marque de fabrique les distinguant des rancheadores des îles espagnoles. Aux Antilles françaises, les chasseurs d’esclaves, « des Blancs mais aussi des Noirs, se faisaient rémunérer chaque main gauche coupée à un fuyard. Ils laissaient les corps à pourrir, sans sépulture […]. Ils ramenaient les preuves sanguinolentes dans un sac afin de recevoir paiement de leur sale besogne. Les trophées macabres étaient ensuite plantés sur les pieux, en place publique, pour l’exemple. » (p.96) Je lève les yeux, écoeuré mais satisfait d’avoir l’explication de la photo qui m’avait tant intrigué quelques semaines auparavant.
Cependant la photo dont il est question me semblait trop récente au regard des tenues des colons. Je reprends donc le Livre de François –Xavier Verschave et j’entreprends de lire tous les éléments du paratexte et je découvre la mention suivante : « Couverture : répression d’une révolte en Côte d’Ivoire au début du XXè siècle. » (cla. Roger-Viollet). Ainsi donc les coupeurs de têtes noires n’étaient pas seulement des esclavagistes ! Ils étaient aussi de fiers colons d’une époque récente issus d’une société dite civilisée qui s’était donné pour mission de civiliser l’Afrique, coûte que coûte, même par décapitation.
Raphaël ADJOBI