Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
4 février 2013

Django unchained ou quand Tarantino revisite l'esclavage aux Etats-Unis

                             Django unchained

                                             ou quand

    Tarantino revisite l'esclavage aux Etats-Unis

            "Django unchained" est un film absolument singulier. Sur un air de western pour amuser la galerie, ce film séduit par la profondeur du discours de ses protagonistes et par certaines images qui vous jettent la réalité de l'histoire à la face.

numérisation0005

            Libéré par un chasseur de prime parce qu'il pouvait l'aider à retrouver trois personnes qui étaient sur sa liste, Django (Jamie Foxx) se retrouve bientôt spectateur des us de l'Amérique blanche régnante. Quentin Tarantino semble, par ce film, mettre le nez du spectateur dans une réalité historique à graver à jamais dans les mémoires. L'aisance cynique des chasseurs de prime ainsi que la facilité des bandits à se transformer en hommes de loi ou riches propriétaires étonnent. Quant au Ku Klux klan, il préfère en rire qu'en pleurer. Ici, Les Etats-Unis apparaissent clairement comme un pays construit sur la violence et la loi du plus fort, du plus truand, du plus cynique.  

            En échange de ses services, le surprenant chasseur de prime (Christoph Waltz) propose à Django de l'aider à retrouver sa belle. C'est dans cette partie du film que Quentin Tarantino nous révèle sa qualité de grand conteur. Les rebondissements qui structurent le film sont simplement magnifiques ! Parodiant une légende allemande dans laquelle le héros fait preuve d'une audace extraordinaire pour sauver sa belle prisonnière d'un terrible dragon, il nous fait visiter l'Amérique esclavagiste. Il semble interroger le spectateur blanc sur le bien fondé de certaines pratiques barbares des colons. Peut-on comprendre, justifier et soutenir la vue des exécutions gratuites singulières dont ces gens se sont rendus coupables ? Quant aux Noirs, même victimes d'un système social construit sur leur force de travail, ils ne sont pas épargnés par la critique féroce et crue de Quentin Tarantino.  En tout cas, pas certains dont l'excessive soumission au colon reçoit ici une magistrale satire par le discours du sadique propriétaire terrien incarné par Leonardo Di Caprio, effrayant d'intensité.

            Il paraît que le film a été mal reçu par les Noirs américains. La violence de la vérité les aura-t-elle assommés ? Tant mieux. Le discours de Quentin Tarantino vise à réveiller tous les Noirs qui acceptent trop facilement d'être soumis, tous ceux qui se disent "Mon Blanc est bon". Qu'en pensera le public africain ? Certains pourraient y voir un appel à la révolte, tant bon nombre de leurs dirigeants ressemblent au personnage du valet béni-oui-oui excellemment joué par Samuel L. Jackson.    

            D'une façon générale, la violence est omniprésente dans cette peinture de la société américaine du XIX e siècle. Cependant, l'humour et la dérision choisis par son auteur rendent les éclaboussures de sang supportables et parfois même presque drôles. Pour Quentin Tarantino, Django libéré des chaînes de l'esclavage doit être en mesure de se donner les moyens de briser tous les obstacles pour libérer l'amour de son coeur. Django doit être capable de mettre sa liberté au service de la Liberté et même être capable de pulvériser les marques d'une domination qu'il juge injuste. 

Raphaël ADJOBI

° P.S. : Que ceux qui douteraient de la bonne foi de Quentin Tarantino lisent l'entretien qu'il a accordé à Télérama (n° 3288 du 19 au 25 janvier 2013). Ils apprécieront ses sentiments sur l'esclavage et comprendront mieux la dureté des discours du film.

Publicité
Commentaires
P
J'ai apprécié le film, mais pour moi tous les films de ce type (héros, action, fiction, sang...) se finissent bien et laissent un arrière goût d'optimisme, comme si tous les problèmes avaient été résolus. Je ne les mets pas dans la catégorie des films "engagés" même avec la meilleure intention qu'aient eue ceux qui ont participé à sa conception. Pourquoi ? Parceque tout cela reste de l'imaginaire et qu'il n'y a pas eu de Django et il est là le vrai drame, pas tel qu'il est dépeint... Indestructible. Les hommes qui se sont révoltés, les vrais héros malgré eux, ce sont tous ces personnages secondaires qu'on voit finir au bout d'une corde, ils se sont tous fait capturer et executer.
Répondre
R
découvert ce blog et apprécié tout ce qui s'y dit .... merci <br /> <br /> plus le temps ce matin de parler avec vous mais je reviendrai
Répondre
S
Je ne me souviens plus des images du "Django" de Sergio Corbucci. Je ne connaissais absolument pas Tarantino. J'en entendais parler ; c'est tout. "Django unchained" est tout simplement magnifiquement mené et crédible malgré l'humour et la dérision. <br /> <br /> <br /> <br /> Merci Aïssatou pour "Mississipi Burning" que je tâcherai de ne pas manquer. Je retiens aussi "Jackie Brown" que je n'ai pas voulu aller voir. Je m'étais montré trop méfiant. Merci d'avoir laissé trace de ton passage.
Répondre
A
Moi, j'ai vraiment aimé ce film, même si j'ai dû détourner le regard plus d'une fois à cause de la violence de certaines scènes, et j'ai eu encore plus de respect pour Tarantino lorsque j'ai vu l'original "Django" de l'Italien Sergio Corbucci. <br /> <br /> Tarantino, on aime ou on n'aime pas. Moi, j'avoue bcp apprécier sa démarche : amoureux des westerns, il a réhabilité à sa manière ce réalisateur italien oublié dont le film est toujours en salles, à Paris tout du moins. .. grâce à lui. Il a parfaitement conservé l'esprit du "Django" original ainsi que la musique du film et Franco Nero. Bravo !<br /> <br /> Il avait fait exactement la même chose avec "Jackie Brown" en hommage à la Blaxploitation. <br /> <br /> Respect total à Tarantino pour son audace !<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ceux qui veulent se replonger au coeur des actions héroïques du KKK, programmation de "Mississipi Burning" demain sur Arte à 20h50, rediffusion le 16/03 à 00h20.<br /> <br /> <br /> <br /> Aïssatou
Répondre
S
@ Mon cher Gangoueus,<br /> <br /> Je vois que tu as apprécié le film. Je n'ai rien vu de Quentin Tarantino avant "Django unchained". Anant de voir le film, j'ai lu l'entretien qu'il a accordé à Télérama ; entretien dans lequel il exprime son sentiment sur l'esclavage. Il est très critique sur les films qu'il a vus dans son enfance sur cette question.<br /> <br /> <br /> <br /> De toute évidence, non seulement il a voulu mettre le nez du spectateur dans la réalité historique mais il s'est voulu aussi provocant. Et c'est ce que j'ai apprécié au-delà de la belle structure de son récit. <br /> <br /> <br /> <br /> Quant à la scène où le majordome incarné par Samuel L. Jackson attend son maître confortablement installé dans la bibliothèque, en réalité elle n'est pas si surprenante que cela. Dans les siècles passés, dans les sociétés européennes, les nourrices étaient très nombreuses à avoir ce pouvoir sur leurs jeunes maîtresses. Dans le film, de toute évidence, le jeune maître est un peu l'enfant que le majordome a élevé et qu'il a toujours protégé. Qu'il lui prouve - en privée bien sûr - qu'il est toujours le vieil homme qui sait plus que lui et qui veille sur lui n'est que chose normale.<br /> <br /> <br /> <br /> @Mon cher Cunctator, <br /> <br /> A bien réfléchir, je crois que l'humour et la dérision permettent à Tarantino de mieux faire passer son message dans ce film. Avant que le spectateur commence à former un jugement sévère sur son point de vue de l'histoire, il le mène sur autre chose pour lui arracher le rire ou le sourire. Les choses légères aident ainsi à supporter les plus graves mais ne les effacent pas. Les gens vont voir du Tarantino, c'est-à-dire de la violence ; et Tarantino profite de l'occasion pour leur servir aussi l'histoire cruelle de l'Amérique. Je trouve que c'est bien vu !
Répondre
Publicité
Publicité