Django unchained ou quand Tarantino revisite l'esclavage aux Etats-Unis
Django unchained
ou quand
Tarantino revisite l'esclavage aux Etats-Unis
"Django unchained" est un film absolument singulier. Sur un air de western pour amuser la galerie, ce film séduit par la profondeur du discours de ses protagonistes et par certaines images qui vous jettent la réalité de l'histoire à la face.
Libéré par un chasseur de prime parce qu'il pouvait l'aider à retrouver trois personnes qui étaient sur sa liste, Django (Jamie Foxx) se retrouve bientôt spectateur des us de l'Amérique blanche régnante. Quentin Tarantino semble, par ce film, mettre le nez du spectateur dans une réalité historique à graver à jamais dans les mémoires. L'aisance cynique des chasseurs de prime ainsi que la facilité des bandits à se transformer en hommes de loi ou riches propriétaires étonnent. Quant au Ku Klux klan, il préfère en rire qu'en pleurer. Ici, Les Etats-Unis apparaissent clairement comme un pays construit sur la violence et la loi du plus fort, du plus truand, du plus cynique.
En échange de ses services, le surprenant chasseur de prime (Christoph Waltz) propose à Django de l'aider à retrouver sa belle. C'est dans cette partie du film que Quentin Tarantino nous révèle sa qualité de grand conteur. Les rebondissements qui structurent le film sont simplement magnifiques ! Parodiant une légende allemande dans laquelle le héros fait preuve d'une audace extraordinaire pour sauver sa belle prisonnière d'un terrible dragon, il nous fait visiter l'Amérique esclavagiste. Il semble interroger le spectateur blanc sur le bien fondé de certaines pratiques barbares des colons. Peut-on comprendre, justifier et soutenir la vue des exécutions gratuites singulières dont ces gens se sont rendus coupables ? Quant aux Noirs, même victimes d'un système social construit sur leur force de travail, ils ne sont pas épargnés par la critique féroce et crue de Quentin Tarantino. En tout cas, pas certains dont l'excessive soumission au colon reçoit ici une magistrale satire par le discours du sadique propriétaire terrien incarné par Leonardo Di Caprio, effrayant d'intensité.
Il paraît que le film a été mal reçu par les Noirs américains. La violence de la vérité les aura-t-elle assommés ? Tant mieux. Le discours de Quentin Tarantino vise à réveiller tous les Noirs qui acceptent trop facilement d'être soumis, tous ceux qui se disent "Mon Blanc est bon". Qu'en pensera le public africain ? Certains pourraient y voir un appel à la révolte, tant bon nombre de leurs dirigeants ressemblent au personnage du valet béni-oui-oui excellemment joué par Samuel L. Jackson.
D'une façon générale, la violence est omniprésente dans cette peinture de la société américaine du XIX e siècle. Cependant, l'humour et la dérision choisis par son auteur rendent les éclaboussures de sang supportables et parfois même presque drôles. Pour Quentin Tarantino, Django libéré des chaînes de l'esclavage doit être en mesure de se donner les moyens de briser tous les obstacles pour libérer l'amour de son coeur. Django doit être capable de mettre sa liberté au service de la Liberté et même être capable de pulvériser les marques d'une domination qu'il juge injuste.
Raphaël ADJOBI
° P.S. : Que ceux qui douteraient de la bonne foi de Quentin Tarantino lisent l'entretien qu'il a accordé à Télérama (n° 3288 du 19 au 25 janvier 2013). Ils apprécieront ses sentiments sur l'esclavage et comprendront mieux la dureté des discours du film.