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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
28 avril 2015

La Morsure du Soleil (Un recueil de poèmes de Liss Kihindou)

                                La Morsure du Soleil

                 (Un recueil de poèmes de Liss Kihindou)  

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            Les poèmes réunis ici par Liss Kihindou sont ceux de ses jeunes années (1995-1999) quand « l'obsession de la rime » agitait son esprit. Presque vingt ans déjà, s'exclame la jeune poétesse, en jetant un regard en arrière ! Entre les « Hommages » aux âmes chères à son cœur et les temps où elle goûtait « Le privilège d'être enfant de Dieu » – sentiment qu’elle estime le plus beau – Liss Kihindou nous offre les « Souvenirs des temps où le monde est tout en fleurs » et ceux où elle avait senti le besoin de « Dire les mots (pour) exorciser les maux ». Un parcours qui va donc de la terre d'où l’homme a été tiré au ciel où il voudrait s’élever.   

            Certes, malgré les brefs rappels des contextes qui les ont vu naître, quelques textes très ancrés dans la société ou l'actualité congolaise pourraient laisser certains lecteurs dubitatifs. Mais tout le monde reconnaîtra que les larmes, les rires, ainsi que les aspirations de l'âme – qui ont scandé la jeunesse de cette enfant qui connaît la qualité de la morsure du soleil – crépitent ici comme des étincelles que l'on suit les yeux émerveillés. « Tu n'es plus que cendre » (p.23) retient l'attention par son rythme et l'universalisation d'une douleur nationale. « La preuve » (p. 34) interpelle le cœur de l'amoureux. « Nuit ambiguë », deuxième version (p.50) inquiète et apaise à la fois. Retenons cette étincelle-ci, admirablement drôle (p. 52) :

 

Un train sans freins 

Insouciante je vais

Mes pieds trottinent, piétinent

Aux locataires de la route

Ils se heurtent et trébuchent

Pour arriver

Mes pieds trottinent, courent

Heureux d'avoir fait la moitié du parcours

Quand du sac qui les surmonte

Sourd un bruit

Le signal ?

Mes pieds ralentissent, écoutent

Et retentit le signal.

 

Mes pieds trottinent, courent

Inquiets de n'avoir pas fini le parcours

Ils s'effraient du gargouillement

Signal d'un train sans frein

Le train qui happe les distances

Le train qui roule et dont les roues

Contre la voie intestinale

Provoquent ce sifflement :

Sss... sortir... sss... sortir

La voie intestinale, un long tunnel

Possédé par la hantise

De la délivrance

La voie qui débouche en plein air

Par une bouche

Une bouche ridée

Une bouche rétrécie

Ne s'ouvrant que pour vomir

Mes pieds tremblent

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Le train s'est ébranlé

La bouche va s'ouvrir

La ralentir est impossible

Impossible...

(Novembre 1995)

 

 

Les mots ont ce pouvoir magique de rendre merveilleuses les choses les plus banales ! Cette subtile peinture du malaise ou du mal-être que provoque un besoin naturel pressant me ravit le cœur !

            Est-il besoin de rappeler qu'on ne lit pas un recueil de poèmes comme on lit un roman ? En poésie, chaque texte est un tableau qui appelle une halte, un temps d'appropriation, un moment de vie des sens. C’est sans doute parce que chaque texte suscite une réaction particulière que chacun éprouve le besoin d’analyser subtilement, intérieurement. On ne peut donc apprécier un recueil de poèmes qu'en prenant son temps, comme dans une galerie de peintures ! De l'impatience naît l'ennui ou le dégoût de l'art. Prenez donc le temps avec La Morsure du Soleil.

Raphaël ADJOBI

Titre : La Morsure du Soleil (poèmes), 78 pages

Auteur : Liss Kihindou

Editeur : L'Harmattan-Congo, 2014 

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Commentaires
S
Je savais bien que tu finirais par me rendre visite et découvrir que je parle de toi... Bravo pour les mots justes pour synthétiser poétiquement les choses de la vie. <br /> <br /> <br /> <br /> @ Merci d'être passé, Gangoueus !
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L
Merci aussi à Gangoueus pour son commentaire !
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L
Oh cher Raphaël,<br /> <br /> je me disais il y a quelques temps que cela faisait longtemps que je n'étais pas venue m'abreuver de tes analyses et réflexions ! Ce matin, je prends le temps de venir te faire une petite visite, et... et me voilà bouche bée ! Je suis très émue par tes mots, toujours si beaux, ta manière particulière de mettre en lumière un texte, un livre. MERCI !!!
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G
L'occasion de venir saluer cette nouvelle critique, cher St-Ralph. Une focale intéressante sur le recueil de poésie de Liss Kihindou.
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