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Lectures, analyses et réflexions de Raphaël
18 mai 2018

Qui veut la mort du Franc CFA ? (2e partie)

   Qui veut la mort du franc CFA choisit son arme             

Franc CFA

            Permettons-nous de dire ici aux diasporas africaines et aux mouvements progressistes militant pour l'indépendance totale de l'Afrique que l'analyse historique que nous venons de faire leur impose une réponse claire et nette à cette question : faut-il une rupture brutale avec le Franc CFA, cet outil de domination et d'exploitation qui permet à la France  de faire de ses prolétaires des propriétaires comme le souhaitait Victor Hugo, ou bien cheminer avec le détenteur de cette monnaie pour une sortie en douce de cet étau ? Tous ceux qui ont été attentifs à la manière sans cesse répétée de modifier l'ordre des choses sans rien changer à la destination du profit du travail des Noirs ont sûrement remarqué que la France a, à différents moments de son histoire avec eux, pensé à asseoir un subterfuge pour maintenir sa domination. Nous sommes donc certains que ceux-là sont très soucieux d'éviter un nouveau piège.

            Comment peut-on en effet ne pas être soucieux  devant les faits de l'histoire quand on envisage une rupture ou un changement profitable de la relation que l'on entretient avec celui qui a été votre maître, votre donneur de leçons, votre guide pendant plusieurs siècles ? Comment ne peut-on pas, au moment de faire sauter le dernier verrou de la domination du maître, au moment de se débarrasser de ce fameux Franc CFA, ne pas penser à ses propres aïeux, à ses pères, à tous ceux qui par excès de confiance ou de naïveté ont signé des accords prétendument bilatéraux avec la France ? Comment, à ce moment crucial du destin de l'Afrique francophone, ne pas penser à nos aïeux qui ont vu dans les traités qu'ils ont signés les moyens de soulager des souffrances par la jouissance de profits immédiats alors que les Français voyaient dans les mêmes contrats des projets et des profits pour 20, 30 ou 50 ans ? Comment balayer de notre mémoire les souvenirs amers de tous ceux qui ont pavoisé, arborant les dividendes immédiats des contrats signés avec la France, mais qui ont condamné les générations suivantes à vivre pour payer des dettes insondables ?

            Maintenant il convient de dire certaines vérités en nous appuyant sur les anciens dont la sagesse a trop longtemps été écartée du revers de la main par les plus entreprenants de nos pères, de nos aînés. C'est au regard de l'histoire de la relation entre le Noir et le Blanc que Richard Wright assure ceci : "Tu peux oublier l'homme blanc, tu peux essayer de construire un monde autour de toi, mais l'homme blanc, lui, ne t'oublie pas, il ne te laissera jamais échapper à son emprise" (Black boy). Que tous ceux qui peuvent contester ces dires par des preuves de l'histoire des Noirs d'Afrique et des Amériques nous en fassent la démonstration. Sinon, l'affirmation est à verser au débat sur le Franc Cfa comme un bel argument.

            S'il se trouve encore parmi les Africains de la diaspora et du continent des femmes et des hommes désireux de tenter une sortie de cette monnaie par des négociations avec la France - qui en est l'émettrice et la gérante - on ne peut que leur poser cette question : quelle est l'issue d'un débat de libération entre un prisonnier rentable et son geôlier ? J'en appelle à la pensée d'un autre sage, Frantz fanon : "s'il est une démarche stérile, c'est bien celle qui consiste pour un opprimé à s'adresser au cœur de ses oppresseurs : il n'est pas d'exemple dans l'histoire d'une puissance dominante qui ait cédé aux objurgations, si émouvantes ou raisonnables soient-elles, de ceux qu'elle écrasait ; contre des intérêts matériels, sentiments et bon sens ne sont jamais entendus" (Cité par Christiane Taubira dans la préface du Procès de l'Amérique de Ta-Nehesi Coates).

            Ce n'est donc pas en leur âme et conscience mais bien en connaissance de cause - pour ne pas dire en connaissance de l'histoire des faits - que les Africains doivent choisir la voie de sortie du Franc Cfa vers la liberté économique et la dignité.

            Il faudra sûrement retomber dans la fange et apprendre à s'en relever. Il faudra apprendre à marcher d'un pas moins assuré, tituber, trébucher, tomber, se relever, serrer les dents tout en gardant les yeux fixés vers les idéaux de liberté et de dignité qui présideront aux impératifs à mettre en place, posément, méthodiquement. Une vie qui commencera par la mise en place de tout ce qui pourvoira à leurs besoins réels. Seule la peur de la liberté, synonyme du vide et de l'inconnu, pousse l'esclave de maison à opposer la stabilité de sa condition aux aléas d'une vie de totale indépendance.  

Raphaël ADJOBI         (Accédez à la 1ère partie de ce texte)        

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