Femmes noires, osez le chic des cheveux crépus ! (Raphaël ADJOBI)
Femmes noires, osez le chic des cheveux crépus !
Femmes noires, ne craignez pas de vous mettre en valeur ! Pour triompher des pudeurs qui vous assaillent, osez le naturel et accédez au chic, c'est-à-dire «à la distinction élégante des personnes libres, désinvoltes et raffinées» (Michel Pastoureau, L'étoffe du diable, Seuil 1991). Inversez le code social qui constitue à vos yeux un handicap ou une infériorité et faites-en une promotion.
Ces propos ont peu de chance d'être lus par beaucoup de femmes noires françaises, européennes et africaines qui portent des perruques aux cheveux raides, pour la simple raison que les Noirs qui lisent sont peu nombreux. En France, rares sont ceux qui fréquentent les librairies, les bibliothèques ou achètent des livres une fois qu'ils ont quitté les bancs de l'école. Aussi, femmes et hommes noirs sont inaccessibles aux campagnes de sensibilisation. Ce texte n'est en définitive qu'une "bouteille à la mer" parmi tant d'autres jetées sans jamais avoir rencontré une main pour en faire sienne.
J'ignore s'il y a des hommes qui apprécient de voir des femmes noires emperruquées, et particulièrement leur compagne. En tout cas, ce déguisement capillaire est affreux parce qu'il produit toujours quelque chose d'étrange sur le visage de celle qui le porte. Si ces femmes attirent souvent le regard, ce n'est point le fait de leur beauté mais celui de leur étrangeté. On se demande toujours ce que peut penser une tête noire cachée sous des cheveux raides qui, de toute évidence, ne lui appartiennent pas. Aucune femme noire portant une perruque avec des cheveux de personnes blanches n'est belle ! Elle est tout simplement étrange, une bizarrerie dans le paysage des êtres naturels.
Dans son livre Elever des enfants noirs ou métis chez les Blancs, Annick DZOKANGA se demande avec raison comment ces femmes emperruquées vivent-elles leur identité noire ? Et elle ajoute : «Quelle portion de dignité, de fierté pourront-elles donner à leurs enfants, quand elles seront, à leur tour, en âge de procréer ? Comment, en tant que mères, seront-elles capables de transmettre le sens de l'amour-propre, du respect de soi à leurs enfants si elles n'ont pas réglé leurs propres complexes ? Pourront-elles coiffer sereinement et avec amour les cheveux crépus de leurs fillettes si elles n'ont pas, elles-mêmes, pacifié leurs relations avec leurs propres cheveux ?»
C'est à vous, "beautés emperruquées", que la question est posée : où en êtes-vous avec votre identité noire ? D'autre part, en matière de beauté capillaire, l'inspiration, l'inventivité et la créativité ne seraient-elles pas noires ? Les images qui accompagnent ce texte suffisent pour démontrer que si.
Raphaël ADJOBI