Le racisme pathologique, ou quand le racisme devient une maladie
Le racisme pathologique
ou quand le racisme devient une maladie
Regardez bien les deux premières images qui illustrent ce billet. Prenez le temps de chercher à comprendre ce qui pourrait justifier le comportement des deux personnes blanches en action. Certains aiment à dire qu'il faut replacer les choses dans leur contexte. Je vous laisse alors le loisir de l'inventer. Pour ma part, rien ne peut justifier ces deux comportements.
Dans les deux cas, les personnes noires attaquées ne représentent aucun danger pour chacun des deux Blancs. Les dames dans la piscine auraient-elles antérieurement offensé l'hôtelier ? Même si c'était le cas, peut-on trouver juste de réparer l'offense avec une telle violence destructrice et surtout en prenant la personne par traitrise ? Quant au policier, c'est discrètement qu'il gaze la fillette, démontrant clairement qu'il est en faute, qu'il n'est pas en train de sanctionner légalement la fillette qui l'aurait outragé.
Ces deux images sont indiscutablement la marque d'un racisme dont seuls sont capables les Blancs à l'égard des Noirs en ces temps modernes. Comment peut-on expliquer l'existence de ce racisme intimement ancré dans les profondeurs de certains êtres humains ? Il serait difficile de qualifier ces gestes de gratuits, épidermiques, totalement irréfléchis et donc irrationnels.
Je crois sincèrement que lorsque le racisme s'apparente à ce que l'on appelle un geste gratuit, un geste proche de l'enfantillage - ce qui fait que l'on dit que c'est pour s'amuser - c'est que nous sommes justement en face du racisme pathologique. Ce dernier type de racisme profondément ancré dans l'être, a des manifestations impulsives et procure de la jouissance. Il est différent du racisme fanfaron qui vise à blesser et à se faire valoir par la même occasion. Il va plus loin que le racisme culturel qui veut affirmer la supériorité de sa race. Le racisme pathologique qui a l'apparence de l'irrationnel est le résultat d'un traumatisme subi dans un contexte extrêmement raciste. C'est dire que le fait de baigner constamment dans un milieu profondément raciste fait de vous un malade du racisme.
Pour vous expliquer cela, je vais passer par un détour qui nous mettra tous d'accord. Les traumatismes propres aux bourreaux sont régulièrement relevés chez les soldats américains et européens qui ont séjourné dans des zones de conflits très violents où ils ont pratiqué la torture, le viol et la boucherie humaine. Ils en reviennent brisés et vivent dans la peur de reproduire les mêmes comportements avec leurs concitoyens. De même que leurs victimes - dans les pays qu'ils ont quittés - portent en eux des traumatismes profonds, ils sont eux aussi atteints de maladies singulières.
N'est-il pas vrai que les Noirs d'aujourd'hui portent encore en eux des réflexes liés à l'histoire douloureuse de l'esclavage et de la colonisation ? N'est-il pas vrai que nos pensées sont imprégnées de ce passé douloureux qui nous a plus ou moins profondément affectés ? Les dommages psychologiques que nous ont infligés l'esclavage et la colonisation sont bien réels, au point que certains en ont encore des manifestations proches de l'irrationnel. De même, comme le fait adroitement remarquer Louis-Georges Tin dans Esclavage et réparations, les descendants des colons ont aussi gardé des séquelles de cette époque. Habitués à briser impunément des vies humaines à longueur de journée, certains ont développé en eux "narcissisme, complexe de supériorité, schizophrénie tendant parfois au double discours, trouble de la mémoire proche de l'amnésie, angoisses obsidionales* par rapport aux étrangers, paranoïa postcoloniale liée à une psychose du déclin, etc."
En un mot, les gestes racistes que nous pouvons observer sur les deux premières images sont ceux de personnes malades du racisme pratiqué à outrance. Et comme tous les malades, ils ont besoin d'être soignés, à défaut d'être internés.
* Sentiment d'être assiégé. Ces personnes voient partout des étrangers qui veulent prendre leur place, qui représentent donc une menace.
Raphaël ADJOBI